Un gouvernement - fédéral de surcroît, composé de deux ou trois partis de chaque communauté -, c’est un château de cartes : un fragile équilibre qui peut s’écrouler au moindre battement d’aile. Dès lors, si vous tentez de remplacer une carte par une autre, c’est l’ensemble de l’édifice qui risque de s’effondrer.
C’est à cet exercice périlleux que s’attellent depuis plusieurs jours le Premier ministre, les présidents de partis et les ministres concernés. Jeudi soir, ils devaient boucler le travail.
L’opération qui semblait la plus délicate - trouver un successeur à Karel De Gucht aux Affaires étrangères - s’est finalement révélée d’une simplicité enfantine : Yves Leterme deviendra dès ce vendredi midi notre premier diplomate.
Mais c’est le remplacement de Karel De Gucht en sa qualité de vice-Premier ministre VLD qui a donné le plus de cheveux blancs à Herman Van Rompuy. Il eût pourtant été simple, au départ, de proposer à Guy Vanhengel, promis à la fonction de vice-Premier ministre, de reprendre une attribution déjà dévolue à un de ses collègues du VLD (Guido De Padt, Vincent Van Quickenborne ou Annemie Turtelboom).
Mais sacrifier un des siens paraissait bien plus difficile que d’aller picorer ou dévorer dans l’assiette du voisin. Dès lors, le président ad interim des libéraux flamands, Guy Verhofstadt, complaisamment relayé dans ses demandes par le Premier ministre Herman Van Rompuy, a jeté son dévolu sur le budget fédéral qu’il entendait confier à son protégé, Guy Vanhengel. C’était oublier un peu vite que ce budget n’était pas aux mains du Premier ministre mais bien du secrétaire d’Etat CDH, Melchior Wathelet, placé sous l’autorité du Premier ministre. Donc, il y avait comme un blocage.
Après avoir négocié la constitution des gouvernements régionaux et communautaires, les présidents des partis de la majorité se sont donc retrouvés jeudi soir pour mettre au point, cette fois, le remaniement du gouvernement fédéral. Un accord devait être trouvé hier car le Palais - chose inusitée - avait déjà annoncé que les nouveaux promus viendraient prêter serment ce vendredi matin.
Quels nouveaux promus ? On en connaît déjà quatre. Yves Leterme, tout d’abord. Ensuite, côté francophone, pour faire de la place dans les gouvernements régionaux, Elio Di Rupo a envoyé au fédéral Michel Daerden (aux Pensions) et Philippe Courard (à la Politique des handicapés). Ceux-là se retrouveront chez le Roi, ce vendredi matin, même s’ils ne semblent pas ravis de leurs fausses promotions. D’autant que certains élus flamands de la N-VA notamment, s’étonnent de leur arrivée : "le gouvernement fédéral est-il devenu une équipe de deuxième division ?"
Le quatrième homme qui prêtera serment ce vendredi matin sera Guy Vanhengel, nouveau vice-Premier ministre VLD. Avec quelle compétence? Un accord est finalement intervenu peu avant minuit entre les protagonistes.
Guy Vanhengel, obtient bien la tutelle sur le Budget... qui reste entre les mains du secrétaire d’Etat au Budget, Melchior Wathelet. Lequel devrait, sur la base de protocoles extrêmement précis qui seront signés, la gestion quasi intégrale du département à l’exception des relations entre le pouvoir fédéral et les entités fédérées. On a donc cliché la situation actuelle de manière à ce que le Secrétaire d’Etat ne perde rien dans l’aventure.
Restait encore le problème du département de l’asile et de l’immigration, que détenait le VLD (avec Annemie Turtelboom) et dont les libéraux flamands ne voulaient plus. La compétence, un temps promise à Catherine Fonck, CDH, (qui n’avait pas trouvé sa place dans les exécutifs régionaux et communautaire récemment constitués) a finalement aussi été confiée à Melchior Wathelet. Car l’ajout d’une unité supplémentaire au gouvernement fédéral n’aurait pas été perçu comme un signe tangible de la "bonne gouvernance".
C’est pourtant ce qui s’est passé au VLD : Guido De Padt, ministre de l’Intérieur, a été dégommé et nommé... Commissaire du gouvernement.
Car, à la surprise générale, Guy Verhofstadt a finalement choisi de confier la responsabilité du ministère de l’Intérieur à la très controversée Annemie Turtelboom, qui jusqu’alors gérait ou ne gérait pas plutôt le département de l’Asile et de l’Immigration.
Dès que les prestations de serment auront eu lieu, ce vendredi matin, le gouvernement de Herman Van Rompuy va se remettre au travail. Le Premier ministre a promis un accord sur l’asile et l’immigration pour le 21 juillet. Il devrait voir le jour plus facilement puisque les présidents se sont entendus pour... appliquer tout simplement l’accord de gouvernement. Il suffisait d’y penser !