Ce Sénégalais, professeur de danse classique, vit en Belgique depuis 31 ans. En effet, Keyssi Bousso est très connu dans le milieu artistique belge, du fait de son talent, qui lui a ouvert énormément d’opportunités. Ses écoles de danse pullulent dans le Benelux.
Dans cet entretien qu’il nous a accordé, l’enfant de Doumnga Lao revient sur ses premiers pas de danse. Un métier qui lui a tout donné, soutient il. Au delà de sa casquette d’artiste, il est un ardent militant de l’Apr de Macky Sall. Un parti sur lequel, il compte s ‘appuyer pour changer le système au pouvoir, qui gangrène le pays, l’empêchant de venir y investir, ce qu’il a gagné en Europe… Entretien.
L’Office : Pouvez-vous, vous présenter à nos lecteurs ? Je m’appelle Keyssi Bousso. Je suis né dans le département de Podor, plus précisément dans un village du nom de Doumnga Lao. J’ai fait mes études primaires dans ce patelin avant de venir à Dakar pour mon cursus secondaire. C’est après que j’ai réussi le concours d’entrée à l’Ecole des Arts. Je fais partie des premiers Sénégalais à faire la danse classique. J’ai fait également l’Ecole de danse Moudra Afrique avec Germaine Acogny. Après trois ans de formation, j’atterris dans le « Ballet du XXe siècle ».
Maintenant, vous êtes professeur de danse. Est-ce que, ce métier nourrit son homme en Europe ? Je ne peux pas parler pour les autres. Mais, moi, la danse m’a tout donné. On peut être un bon danseur, sans être un bon professeur. Comme également, il y a de grands marabouts, qui n’ont pas de nombreux disciples. Il y a des marabouts qui doivent voyager pour trouver quelque chose, tandis que d’autres restent au village et obtiennent tout. Moi, la danse m’a tout donné. Peut-être que, si j’étais un instituteur, les réalisations que j’ai faites, je ne pourrais jamais les atteindre. Tout ce qu’un homme doit gagner honnêtement, je l’ai obtenu par le biais de la danse.
Au-delà des cours que vous dispensez en Europe, avez-vous des écoles de danse au Sénégal ? J’ai quelques terrains que j’ai déjà viabilisés pour ça. J’envisage d’ouvrir des écoles de danse au pays, mais ce n’est pas pour aujourd’hui. Peut-être dans le long terme. Investir au Sénégal par les temps qui courent, ce n’est pas évident.
Vous êtes Sénégalais, et vous ne voulez pas investir dans votre pays, pourquoi ? Je le veux bien. Mais il faudra que le pays change…
Donc la situation politico sociale du Sénégal ne vous rassure pas ? Pour le moment, elle ne me rassure pas du tout. Cependant, il faut préciser que j’investis dans le développement communautaire dans le Fouta.
Revenons un peu dans le monde culturel, vos écoles, vous les avez installées où en Europe ? J’ai une école à Randon, un patelin qui se trouve à la frontière, une autre en France, également dans la banlieue d’Anvers. Il m’arrive également de faire des animations dans les écoles flamandes.
Est-ce qu’on peut avoir l’identité de vos élèves ? Ils sont tous Européens ? Ou bien parmi eux, il y a des Africains ? Non, il n’y pas d’Africains parmi mes élèves. Cependant, il arrive que des jeunes Africains participent à des séances de danse sans bourse délier.
Votre danse, elle est spirituelle ou artistique ? Elle est artistique. C’est une danse codifiée, qui n’a rien à voir avec le Mbalax. C’est comme une danse contemporaine. J’ai fait la danse classique, la danse moderne, en même temps, le jazz. Pour moi, il suffit de regarder un danseur sénégalais à la télévision, je peux l’imiter sans problème. Un danseur traditionnel qui vient en Europe, il aura du mal à s’adapter, car les blancs aiment ce qui est codifié. Un danseur africain improvise. Il l’a dans le sang, c’est-à-dire, depuis la naissance. Ce n’est pas le cas chez les blancs.
Pourquoi, avez-vous choisi la danse au lieu d’un autre métier ? Je vais vous dire ce qui m’a poussé à faire de la danse un métier. J’étais avec un ami du nom de Baïla Diop. Nous étions du côté de l’ambassade de France à Dakar. Et nous avons vu des gens danser. Ils portaient dans pantalons moulants. Et mon ami m’a lancé un défi, soutenant que si j’osais faire cela… Tout est parti de là. Je me suis rapproché de la dame pour lui signifier mon vœu. Elle a d’abord rigolé, en me demandant si j’étais chrétien. Je lui ai répondu que je suis peulh. Et elle a répondu que ce n’est pas possible. J’ai insisté, elle m’a remis des chaussons et un pantalon moulant. Ce coup d’essai dans la danse classique a été un coup de maître. Et je me suis dit que je ne pourrais pas continuer à venir, car n’ayant pas les moyens financiers de payer 20.000 F Cfa par mois pour des cours de danse, où il n’y avait que des fils à papa. Et la dame m’accorda de venir danser gratuitement. J’étais venu pour m’amuser, et voilà qu’après trois ans, je me retrouve en Belgique, après un passage à Moudra Afrique. Et voilà 31 ans que je suis là…
Comme vous l’avez dit tantôt, vous êtes Hal Pulaar, un milieu assez conservateur. Quelle a été la réaction de vos parents quand vous avez décidé de faire de la danse un métier ? Mon père est décédé quand j’avais juste six ans. Ma mère n’était pas réfractaire à ce métier. Elle me disait de ne jamais voler et de ne jamais boire de l’alcool, avant de me bénir. Comme je l’ai dit tantôt, ses vœux ont été exaucés. La danse m’a tout donné. Quand j’avais fait mes rasta en 1975, certains n’ont pas hésité à me taxer de fou. J’étais marginalisé. Même mon beau-frère m’avait renvoyé de la maison parce que j’étais danseur. Quatre ans après mon arrivée en Belgique, c’est le premier à qui j’ai acheté une maison. Le lendemain, je lui ai rappelé que si je n’avais pas fait de la danse, je n’aurais peut-être pas pu lui acheter une maison. Et il m’a rétorqué, « jeune homme, sautille même jusqu’au plafond » (rires). Il était tellement content !
Au-delà de l’art, êtes-vous dans le monde politique ? Ah oui. Je suis trésorier de l’Apr de Macky Sall dans le Benelux.
Pourquoi, militez-vous à l’Apr ? Parce que Macky Sall m’a convaincu qu’il est l’homme de la situation. De par les actes nobles qu’il pose vis à vis de ses concitoyens, je me suis résolument engagé à le soutenir pour changer le système qui a accaparé le pouvoir. Je n’ai jamais fait de la politique.
Que comptez-vous faire pour changer la situation au pays, alors que vous êtes là en Belgique ? Avant la présidentielle 2012, je viendrai au pays, plus précisément au mois de décembre prochain. Je battrai campagne dans tout le Fouta pour que notre candidat gagne.
Propos recueillis par Lamine Ndour
LOFFICE