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lundi, 28 avril 2008

Hommage à A. Césaire - Gérard Théobald

33d04470adfc361579aab853da742d5a.jpgLorsque j'ai appris la mort d'Aimé Césaire, nous venions à Invers@lis, de terminer une série de sujet sur ses deux faces les plus connus. Nous venions de parler du poète et de l'homme politique, mais nous n'avions pas parlé de l'homme, de la personne Aimé Césaire.

Hors de toute polémique sur son cercueil et de la destination de celui-ci vers les honneurs, souhaitant élevé au rang de l’immortalité nationale, il apparaît que la situation la plus simple et la plus cohérente pour l'homme, est qu'il soit enterré en sa terre de Martinique. Cette terre qui l'a vu naître, qui l'a vu grandir, qui l'a vu partir pour le voir revenir, rester et mourir.

Aimé Césaire a construit toute son oeuvre, son humanité à partir de cette terre négraille, dont il est la fierté locale, nationale, internationale pour toute personne s'identifiant à l'errance.

J'ai eu l'opportunité de rencontrer l'homme, le politique, le monument.

J'ai été frappé par deux choses, sa simplicité dans le rapport avec l'autre, sa voix douce qui ne laissait jamais échapper un sentiment ou un préjugé.

Lorsque, j’y pense, il y a aussi une troisième chose. Il accompagnait l'autre par un geste, par le toucher, par une attitude fraternelle. Dans ces moments-là, d'aucun était son égal. Ce comportement m'avait marqué chez l'homme, cette capacité à humaniser l'autre, toujours s'adressant à une tierce, il la nommait ou la prénommait. C’était point de la camaraderie, c’était du respect, de la personnification.

D'un nom, il était dans la possibilité d'inscrire une famille dans une localité, dans un espace, dans un parcours. Il était dans cette aptitude à décrire le passé, le présent, le futur, ainsi que la nature d'un être.

En ce sens à Fort-de-France il était non seulement un fils, un neveu, un mari, un père, un grand-père, un arrière grand-père, un oncle, un grand-oncle, un arrière grand-oncle et aussi un ami.

Encore, il y a Aimé Césaire l'autorité. L'autorité morale, non pas par son statut de géant mais par son statut de professeur qui a appris à quelques milliers d'élèves la littérature. D'ailleurs, certains d'entre eux sont devenus professeurs, ingénieurs, avocats, médecins et écrivains.

Cette réalité c'est aussi Aimé Césaire, cette réalité est aussi son implication dans cette île, de la Caraïbe, à qui il a donné une grandeur mondiale. Sur place, lors des obsèques, c'est cet homme-là qui a été honoré.

Hors de toute polémique, on ne peut honorer qu’un homme simple, généreux et fraternel.

Sa simplicité fut d'une telle force, qu'elle imposa le silence au premier des Français à qui il a offert, qu'on se le rappelle, le Discours sur le colonialisme lors d'une visite durant une campagne électorale et présidentielle.

Sa générosité fut telle qu’elle est la revanche de l'esclave enchaîné rompant ses chaînes par les maux avec des mots à la face du maître.

Son aura est telle qu’elle est admirée, tant par chez les Blacks Panthers d’Amérique que du Proche-Orient, en passant par l'Afrique du Nord et du Sud . Sa mémoire restera honorée.

Il s'agit là de l'ouverture d'une trace indélébile qui a trouvé son chemin sur l'ensemble des zones géographiques du monde. Sa sagesse permettait à chacun y compris les puissants de la nation de venir le consulter.

Il restera dans les mémoires des arts. Il restera dans les mémoires par la politique.

Et, il nous restera, nous, fruit de la génération Césaire à perdurer son oeuvre par la musique, par la littérature, par la peinture, par le cinéma. Sans doute le mélange des arts permettra à cet homme de trouver enfin le repos mérité d'une vie militante construite et remplie.

Peut-être le ferons-nous en écoutant la Marseillaise noire, Jacques Courcil, Manuel Césaire, sans oublier SOFT ou Jacques Schwarz-Bart.

Pour ma part, je continuerai la lecture des oeuvres de Césaire en écoutant ces groupes, ajoutés des sons d’Ella Fitzgerald, de Louis Armstrong, de Fela, de Malavoi, de Joby Valente, que sais-je... accompagné d’un rhum blanc et sec.

Et je continuerai à apporter ma construction à cette trace, laissant taire les chiens.
Merci Aimé Césaire.


Gérard Théobald

jeudi, 24 avril 2008

Aimé Césaire : l’adieu de la nation et du pays natal

C’est dans le salon VIP de l’aéroport du Lamentin que s’est exprimé Nicolas Sarkozy à son arrivée à Fort-de-France quelques heures avant les obsèques d’Aimé Césaire.«Je veux dire à tous ceux qui nous écoutent que tous les Français se sentent Martiniquais dans leur cœur, que les 7 000 kms qui séparent la métropole de la Martinique n’ont jamais aussi peu compté», a-t-il confié à la presse. Plusieurs milliers de personnes avaient pris place dans les tribunes du stade Dillon où un «hommage culturel» a été rendu au poète de la «négritude». Beaucoup sont venues en famille, vêtues de blanc, pour dire adieu à Aimé Césaire, décédé jeudi à l’âge de 94 ans. «C’est le père, assisté de ses enfants et petits-enfants», soulignaient des Martiniquais.

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Un grand portrait de Césaire, «prototype de la dignité humaine» (selon le mot d’André Breton), ainsi que des extraits de son œuvre, ont été exposés dans le stade, qui vibrait régulièrement aux ovations du public. Une plaque de céramique portant le nom d’«Aimé Césaire (1913-2008)» et les mots «Liberté, identité, responsabilité, fraternité», avait été posée sur le fauteuil destiné au président de la République. Durant l’hommage, des textes d’Aimé Césaire - Et les chiens se taisaient, Calendrier lagunaire… - devaient être dits par des comédiens antillais et africains. De nombreuses personnalités politiques, plusieurs ministres, François Bayrou (Modem) et des responsables du PS, notamment François Hollande, Laurent Fabius, Lionel Jospin et Ségolène Royal étaient présents.

Jeunesse. Mais le seul discours politique que la population réunie au stade devait entendre était celui de Pierre Aliker, compagnon de toujours du poète martiniquais. Il devait rappeler les années d’amitié, de jeunesse, jusqu’au grand âge pour conclure sur un vibrant appel à la nation : «Les spécialistes de l’expression martiniquaise ce sont les Martiniquais.»

Les trombes d’eau qui se sont abattues sur Fort-de-France hier matin n’ont pas arrêté ces derniers. Durant de longues heures, ils étaient encore nombreux à venir saluer leur héros national. Deux jours et deux nuits de veillée où ils se succèdent en file plus ou moins dense mais jamais interrompue, même au plus creux de la nuit, devant le cercueil d’Aimé Césaire. Celui qui voulait éviter le déshonneur de trop d’honneurs aura eu les funérailles nationales des plus grands, après l’hommage des plus petits, ceux qui l’ont accompagné durant cette longue marche dans les rues. Des témoignages écrits aux murs mêmes de la ville, aux grilles de l’ancien hôtel de ville, une litanie de «merci», de souvenirs personnels, de regrets aussi. On brandit une lettre, une photo, réminiscences d’instants, cent soixante ans après l’abolition de l’esclavage, cinquante-deux ans après la départementalisation qui instituait la continuité territoriale et l’égalité citoyenne.

Si toutes les voix clament que l’ancien maire et député appartient à la communauté humaine sans distinction, c’est à la nation martiniquaise et à ses frères de sang de la mère Afrique qu’auront été réservées les prises de parole publique.

Négociations. La mairie a négocié pied à pied avec la famille qui souhaitait que l’ensemble de l’hommage reste intime. Dans les communes, des bus gratuits ont permis à la population de rendre hommage.
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On dit la Martinique souffrant d’incertitude identitaire. Elle a prouvé depuis jeudi 17 avril, le jour du décès d’Aimé Césaire, que les graines de responsabilité, d’autonomie identitaire semées avec ténacité par son père spirituel peuvent donner des pousses vives.