mardi, 01 septembre 2009
Un Latif où?
Le président Abdoulaye Wade qui se cherche un chef de l’opposition depuis plusieurs années est maintenant servi et sur un plateau de feu. Et cet opposant spécial ne se recrute pas au sein de Benno Siggil Sénégal mais bien dans la presse d’investigation en la personne d’Abdou Latif Coulibaly. L’intéressé lui-même, divine surprise, ne s’en défend nullement. « Je suis un opposant, mais un opposant de conscience », a-t-il sobrement confié, le week-end dernier, à son auditoire. Sa capacité de nuisance sur le régime en place semble avoir dépassé celle de tous les opposants de Wade réunis. Les partis d’opposition, comme un seul homme, se sont rangés derrière Latif et son livre pour pilonner le pouvoir rendu aphone par l’artillerie lourde de « Contes et mécomptes de l’Anoci ». Les superLatifs ne manquent pas à son égard : journaliste le plus courageux le plus patriote, héros national…
L’auteur du brûlot de l’hivernage raconte les « contes » et décompte les « mécomptes » de la toute-puissante agence nationale. Aucune contradiction sérieuse ne lui est opposée si ce ne sont des argument squelettiques du genre : acharnement, déstabilisation ou haine. Quid des chiffres et accusations avancés ? Rien du tout ou presque. Les mis en cause, prompts à répondre du tac au tac, se mettent dans leurs petits souliers. L’opposition traditionnelle et organique, elle, jubile et se ligue derrière le « héros » de la plume qui a su, documents à l’appui, fustiger la gestion de l’Anoci. Des centaines de milliards, dit-on, y ont été investis pour des travaux fort discutables et à l’impact marginal sur le devenir socio-économique du pays. Une statue au statut énigmatique continue onéreusement de s’ériger à coup de milliards. Pendant ce temps, les quartiers et populations ploient sous les inondations, coupures de courant électrique et cherté du coût de la vie qui ne parviennent pas!
encore à stopper net les vacances chères du Chef et de ses troupes.
C‘est sur ce terreau fertile que Latif a semé et qui lui valent l’aura et la sympathie populaires si chères aux aspirants professionnels et tenants drogués du pouvoir. Ceux-là qui nous entretenaient, il y a quelques semaines, d’un débat fétide et stérile sur leur compétence ou non par rapport aux plus que probables inondations prévisibles par les annonces météorologiques. Les voilà inondés par leur déficit de prévision et de planification.
L’opposition sénégalaise ne doit pas surfer sur ces eaux stagnantes car ayant en charge une partie leur gestion. Plus globalement, elle doit être plus vigilante et moins triomphaliste et garder à l’esprit qu’une bête blessée devient plus dangereuse. Abdoulaye Wade sait politiquement rebondir. Il sait reprendre du poil de la bête. En 2003, le même Latif avait publié, « Wade, un opposant au pouvoir, l’alternance piégée », un ouvrage aussi sulfureux avec des révélations fracassantes sur l’indemnisation de la famille de me Babacar Sèye et sur la réfection de l’avion présidentiel. Cela avait fortement secoué le pouvoir. Il n’empêche, le très futé Wade, à force de manœuvres, s’est fait réélire quatre ans après sous le nez et la barbe de l’opposition désunie. L’histoire est en train de bégayer. La même euphorie collective marque la parution du nouveau livre et les opposants traditionnels au Président se disent, cette fois-ci, c’est la bonne. Dans trois ans, en 2012, il sera battu à!
cause des scandales qui caractérisent sa gestion. Les locales de 2009 en sont le prélude. Attention, il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Le pouvoir se conquiert dans l’épreuve et la constance. Le Pds qui veut se muer en Pdsl n’a pas encore dit son dernier mot. Lui qui ambitionne de rester au pouvoir pendant 50 ans alors qu’il n’a pas encore fait le cinquième ! Il accolera son âme à ce pouvoir eu égard aux nombreux risques qu’entraînerait sa perte. L’ignorer, c’est faire fi de la réalité.
Alors, une seule question, elle peut paraître incongrue et sarcastique. Et si Latif se présentait aux prochaines élections présidentielles ? N’a-t-il pas dit que ceux-là qui siègent au Conseil des ministres n’avaient rien de plus que lui ? Ce serait bien entendu une première, à ce que je sache ? On imagine déjà les politiques rire sous cape et philosopher : la critique est facile, l’art est difficile. C’est une occasion de leur rabattre le caquet à ces bavards qui passent tout le temps à ne constater que les trains qui n’arrivent pas à l’heure. Après les avocats, administrateurs civils et professeurs, on entrerait dans l’ère des journalistes-présidents ! Il est permis de rêver, n’est-ce pas, pour cet écrivain de ralliement ?
Massar FALL
Observateur autonome
Fallmassar4@gmail.com
Pays: Dakar
11:44 | Lien permanent | Commentaires (0) | del.icio.us | Facebook | | |
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