mercredi, 06 février 2008
Hormone de croissance: 16 ans après, sept médecins jugés pour homicide involontaire
PARIS (AFP) - Plus de cent jeunes ont succombé à ce jour en France pour avoir été traités, enfants, à l'hormone de croissance: 16 ans après le premier cas, les familles demandent justice lors du procès à Paris de sept responsables médicaux, jugés à partir de ce mercredi pour homicide involontaire.
Pendant quatre mois, les sept médecins -qui se disent tous innocents- s'expliqueront sur "les graves fautes d'imprudence et de négligence" qu'on leur reproche dans la collecte, le conditionnement et la distribution à 1.698 enfants de cette hormone, fabriquée jusqu'en 1988 à partir de l'hypophyse, une glande crânienne prélevée sur les cadavres.
Ces fautes ont entraîné, selon l'accusation, la contamination des victimes par la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), une maladie dégénérative mortelle.
Depuis 1988, c'est une hormone de synthèse qui est utilisée pour relancer la croissance des enfants trop petits. La justice accuse d'homicide involontaire Jean-Claude Job, 85 ans, ancien dirigeant de l'association France Hypophyse qui avait reçu de l'Etat le monopole de la collecte et la prescription.
Sont également accusés l'ex-responsable de la fabrication à l'institut Pasteur, Fernand Dray, 85 ans, deux pharmaciens des hôpitaux, un responsable du ministère de la Santé, une femme médecin chargée de la collecte et une autre, soupçonnée d'avoir prescrit à tort cette hormone à un jeune garçon.
L'alerte avait été donnée en décembre 1991, quand avaient porté plainte les parents de Llyassil, mort de la MCJ à 15 ans, après sept ans de traitement.
Comme plus d'une centaine de parents après eux, ils ont vu leur fils souffrir de troubles neurologiques affectant vision et équilibre, provoquant céphalées et régression intellectuelle. Avant l'issue fatale, inéluctable.
La presse alerte alors l'opinion, les ministres de la Santé successifs lancent des enquêtes internes et la justice multiplie les enquêtes. Bientôt apparaît l'ampleur de ce drame.
L'instruction a mis au jour un système où, devant la demande croissante, France Hypophyse a multiplié les imprudences pour intensifier la collecte : accord avec des établissements à risque (neurologie, gériatrie...), primes en argent liquide aux garçons de laboratoires incitant aux "prélèvements sauvages", modes d'extraction peu sûrs des hypophyses. En novembre 1984, la communauté internationale avait pourtant été alertée par la mort d'un jeune Américain de 21 ans. L'année suivante, Etats-Unis, Grande-Bretagne et une dizaine de pays interdisaient l'hormone d'extraction, passant à celle de synthèse, qui venait alors d'être mise au point.
Pas la France, qui attendra 1988, se contentant d'abord de resserrer les règles de sécurité pour stériliser les prélèvements, sans vérifier leur application, ni prévenir les parents des risques.
L'AVHC (Association des victimes de l'hormone de croissance) recense 111 morts.
L'Etat n'a pas attendu la justice et a déjà procédé, au nom de la "solidarité nationale", à l'indemnisation des victimes : 225.000 euros par décès, plus des dommages et intérêts variables pour les proches.
Mais les familles veulent d'abord "que justice soit faite", lors de ce procès dans lequel interviendront des familles et une vingtaine d'experts, dont le professeur Luc Montagnier, co-découvreur du virus du SIDA, et le prix Nobel Stanley Prusiner.
Dans le domaine de la santé, la France a connu un précédent retentissant avec l'affaire dite du sang contaminé. Les responsables du Centre national de transfusion sanguine (CNTS) avaient été condamnés à plusieurs années de prison pour avoir écoulé dans les années 1980 des lots de sang contaminé au VIH, alors que le risque lié au sida était déjà connu.
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