TRIPOLI (Reuters) - Des milliers d'opposants à Mouammar Kadhafi ont célébré dans la nuit le succès des rebelles à Tripoli mais les forces gouvernementales contrôlaient encore lundi matin plusieurs quartiers de la capitale libyenne.
Les combats ont repris à l'aube, notamment autour de la résidence fortifiée du colonel libyen. Des chars ont été vus quittant son quartier général de Bab al Aziziah et bombardant des rues alentours, a rapporté la chaîne de télévision Al Djazira, citant une source rebelle.
Les hommes de Kadhafi "contrôlent à peu près quatre zones à l'heure actuelle (...) Cela ne représente que 15 à 20% de la ville", a dit à Al Djazira un porte-parole rebelle, qui se prénomme Nasser.
Deux fils de Mouammar Kadhafi ont été arrêtés par les insurgés mais on ignore toujours où se trouve le "guide" lui-même.
Agitant des drapeaux rouge, noir et vert aux couleurs de l'opposition en signe de victoire, les insurgés ont atteint dans la nuit la place Verte située dans le centre de Tripoli. La place, jusqu'alors lieu de rassemblement des partisans du colonel libyen, a été rebaptisée par les rebelles place des Martyrs.
"Nous sommes sur le point d'être délivrés du pouvoir du tyran. C'est tout nouveau pour moi. Je suis très optimiste", confie Laila Jawad, âgée de 36 ans.
De nombreux habitants de la capitale ont reçu un texto du Conseil national de transition (CNT, organe politique des rebelles) disant : "Dieu est grand. Nous félicitons le peuple libyen pour la chute de Mouammar Kadhafi."
SAÏF AL ISLAM ET MOHAMMED KADHAFI ARRÊTÉS
Le fils aîné du "guide", Mohammed Kadhafi, a confirmé son arrestation et son placement en résidence surveillée à Tripoli.
Annoncée par le CNT, la capture de Saïf al Islam, le plus jeune fils du colonel libyen, a été confirmée par le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno Ocampo.
La CPI a émis en juin des mandats d'arrêt à l'encontre de Mouammar Kadhafi, de Saïf al Islam et du chef des services de renseignement Abdallah al Senoussi, inculpés pour crimes contre l'humanité.
Alors que les forces rebelles progressaient vers le centre de la capitale, Mouammar Kadhafi a une nouvelle fois invité les Libyens à "sauver Tripoli" dans le deuxième message sonore diffusé dimanche par la télévision publique.
"Il s'agit d'une obligation pour tous les Libyens. C'est une question de vie ou de mort", a dit Kadhafi dont la garde rapprochée s'est rendue en début de soirée dimanche aux rebelles.
"Je crains que si nous n'agissons pas, ils brûlent Tripoli", a indiqué le colonel libyen qui règne sans partage depuis 42 ans dans le pays. "Il n'y aura plus d'eau, de nourriture, d'électricité et de liberté."
Mais la résistance aux rebelles semblait faible dimanche soir, au point qu'ils ont atteint le centre-ville en quelques heures.
TRANSITION PACIFIQUE ET IMMÉDIATE
A Benghazi, fief de l'insurrection dans l'Est, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées dans le centre ville et ont piétiné des portraits de Kadhafi.
"C'est fini!", a crié un homme, sortant en trombe d'un immeuble, un téléphone portable vissé à l'oreille.
Préparé depuis des mois, le soulèvement de la capitale a été coordonné par des cellules de l'opposition sur place. Selon une source diplomatique à Paris, les cellules rebelles de Tripoli n'ont fait que suivre les plans établis il y a des mois et répondu au signal.
Le président américain Barack Obama a estimé dimanche que le régime libyen montrait des signes d'effondrement et a appelé de nouveau Mouammar Kadhafi à quitter le pouvoir afin de mettre un terme au bain de sang.
"La façon la plus sûre de mettre un terme au bain de sang est simple : Mouammar Kadhafi et son régime doivent reconnaître que leur règne est terminé. Kadhafi doit regarder la réalité en face, il ne contrôle plus la Libye. Il doit abandonner le pouvoir une fois pour toutes", a indiqué le chef de la Maison blanche dans un communiqué.
"En ce moment historique et décisif, le CNT doit continuer à faire preuve de l'autorité nécessaire pour conduire le pays vers une transition qui respecte les droits du peuple de Libye", a estimé Obama, actuellement en vacances sur l'île de Martha's Vineyard (Massachusetts).
Le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen a pour sa part appelé à une transition pacifique et immédiate en Libye et s'est dit prêt, pour y parvenir, à travailler avec les rebelles qui combattent depuis mi-février.
L'Alliance atlantique a également annoncé qu'elle continuerait à protéger la population civile en Libye conformément à la résolution 1793 du Conseil de sécurité de l'Onu adoptée le 17 mars, qui autorise les Etats membres à prendre toutes les mesures nécessaires dans ce but.
Avec Robert Birsel à Benghazi, William MacLean à Londres, Hamid Ould Ahmed à Alger, Laura MacInnis et Alister Bull à Oak Bluffs, Massachussets; Jean-Philippe Lefief, Marine Pennetier et Clément Guillou pour le service français