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mardi, 16 novembre 2010

Franc-maçonnerie : Ali Bongo intronisé à la tête de la GLB

C’est le Grand maître François Stifani qui l’a « installé » samedi dernier. Comme son père, le nouveau président gabonais va régner sur les loges du pays, sachant que ses frères restent au cœur de l’appareil d’Etat, parce qu’au Gabon « si tu n’en es pas, on ne te voit pas et on ne te considère pas pour ce que tu es ».

Ali Bongo, président du Gabon et grand maitre de la loge gabonaise des Franc-Macon (GLB). Samedi 31 octobre dernier en effet, rapporte le nouvel Obs, Ali Bongo a été installé dans le fauteuil d’Omar, indéboulonnable grand maître de la franc-maçonnerie gabonaise jusqu’à sa mort en juin dernier. Le fils de Bongo a porté son tablier brodé et s’est présenté devant ses « frères » pour une élection au résultat tout aussi attendu que la première, à la tête de la Grande Loge du Gabon (GLB).

Dans ce bout d’Afrique, celui qui monte sur le « trône » se doit aussi de régner sur les temples. Le nouveau président n’a pas oublié que les conseillers de son prédécesseur, ses ministres, ses directeurs d’administration étaient tous « passés sous le bandeau ». Il sait bien que la franc-maçonnerie forme depuis des années l’un des piliers du système Bongo. Il a vu comment son père s’en est servi pour asseoir son pouvoir dans son pays ou à l’étranger. Et il accueillera avec joie la conférence mondiale de la franc-maçonnerie régulière, qui se tiendra le 4 novembre à Libreville. C’est Omar qui avait « décroché » l’événement. Et Ali, qui avait suivi de près tous les préparatifs, en tirera les bénéfices.

De son vivant, Bongo père a lui-même fondé deux ordres

Au Gabon, les loges sont omniprésentes et Omar Bongo avait l’habitude de dire a ses collaborateur : « Si tu n’en es pas, on ne te voit pas et on ne te considère pas pour ce que tu es. » Bongo, lui, « en a été » pendant plus d’un demi-siècle. Il affirmait avoir été « initié » en 1953 à Brazzaville. Il travaillait alors comme simple employé des postes et se prénommait Albert-Bernard. Il n’est pas encore musulman, pas même catholique, deux religions qu’il embrassera tour à tour, histoire, d’après ses détracteurs, d’être admis à l’Opep et au Vatican.

François Stifani, son actuel grand maître, le confirme : « Il a été régularisé chez nous, à Paris. Ce passage a été très marquant pour lui » Bongo agit alors sous l’influence de son mentor, Jacques Foccart. Le secrétaire général de Charles de Gaulle, cheville ouvrière de la Françafrique, était-il lui-même un « fils de la veuve » ? Certains le disent. Toujours est-il qu’il a repéré Bongo quand il faisait son service militaire au Tchad et l’a fait nommer auprès de Léon M’Ba, le premier président du Gabon. Quand ce dernier décède, en novembre 1967, Foccart bombarde son protégé à la tête du pays.

En homme de bon sens qu’il était, Bongo sait bien que la « chaîne d’union », comme on dit dans les loges, lui permet d’établir des liens étroits avec des dirigeants français et, surtout, de créer une caste à sa dévotion. « A son arrivée à la tête du pays, il n’était ni leader syndical, ni chef traditionnel, ni de lignée royale, ni vraiment lettré. Pour s’imposer, il a créé la franc-maçonnerie », explique un parent. Le président gabonais fonde deux ordres : le Grand Rite équatorial, affilié au Grand Orient de France, et, sous les auspices de la GLNF, Dialogue, qui deviendra plus tard la Grande Loge du Gabon. « C’est le pays d’Afrique noire qui compte le plus grand nombre de maçons par habitant. Es sont près de 500 rien qu’à Libreville », dit Joseph Badila, un frère congolais, auteur d’un des rares ouvrages sur la question. Ils détiennent les postes clés au sein de la classe politique et de l’appareil d’Etat. « Neuf directeurs d’administration centrale sur dix en font partie », estime un haut fonctionnaire. Leur tablier est gage de fidélité. En obéissant au maître, ils se soumettent au président.

"Pour vos pauvres !", aimait t-il lancer aux "frères" européens a qui il offrait une valise pleine d’argent

Omar Bongo soigne aussi ses frères de l’Hexagone. Il reçoit leurs dignitaires avec le faste réservé à un chef d’Etat. Il accueille leurs rassemblements et sait se montrer généreux. « Pour vos pauvres ! », lance-t-il un jour à des émissaires du Grand Orient de France. « Il voulait leur remettre une valise pleine d’argent », raconte Alain Bauer. Au fil des ans, la fraternité est devenue synonyme de réseaux, d’intrigues, et surtout de pouvoir absolu. Omar Bongo n’est pas le seul dirigeant noir à tenir le maillet. Une douzaine de chefs d’Etat d’Afrique francophone seraient ses « frères de lumière », à commencer par le Congolais Denis Sassou-Nguesso, le Centrafricain François Bozizé, le Tchadien Idriss Déby le Nigérien Mamadou Tandja, ou encore, même s’il s’en défend, le Sénégalais Abdoulaye Wade...

Le 15 juin 2009, aux côtés de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant ou Robert Bourgi, héritiers des réseaux Foccart, pas moins de deux anciens grands maîtres se pressent devant le cercueil d’Omar Bongo : Jean-Charles Foellner vient lui rendre les derniers hommages au nom de la Grande Loge nationale française. Alain Bauer, qui représente le Grand Orient, enchaîne sa seconde cérémonie. Deux jours plus tôt, il a aussi participé aux obsèques privées, à la demande de Pascaline, la fille du président défunt. « J’étais le seul Blanc. » Pour permettre à son avion de se poser, les autorités ont rouvert l’espace aérien, fermé dès l’annonce du décès. Bauer est un intime de la famille. Il a supervisé le diplôme de troisième cycle d’Ali à la Sorbonne, consacré au Transgabonais, le chemin de fer du Gabon. Un travail « propre », dit-il, sanctionné par « une mention très honorable ».

Dans la loge du fils, on retrouve les amis de son père

C’est François Stifani qui a « installé » Ali, cette semaine, à la tête de la Grande Loge du Gabon. « Son nom n’y est pour rien, jure le patron de la GLNF. Il a déjà un grade enviable d’assistant grand maître. Il a fait un cursus complet chez nous. » Ali Bongo aurait été initié à l’origine selon le rite d’York, l’un des plus pratiqués aux Etats-Unis. Un pays qu’il connaît bien et où il a fait un premier mariage. « Dans sa loge, on retrouve ses amis, raconte un ancien collaborateur de son père. Pour la plupart des étrangers ou des Gabonais de la diaspora. » Parmi eux figure son principal conseiller, l’informaticien béninois Jean-Denis Amoussou.

Critiqué jusque dans son clan, Ali Bongo va, comme son père, mobiliser ses réseaux francs-maçons pour asseoir son pouvoir encore fragile. Mais si Omar Bongo n’avait à la bouche que le mot « dialogue », une vertu maçonnique, son fils a un tempérament plus solitaire et plus ombrageux. « Il a une conception monarchique du pouvoir, selon l’opposant Bruno Ben Moubamba. Ses références, ce sont les princes du Golfe et Mohammed VI » La crise qui a secoué le pays frappe également ses temples. Les ennemis du nouveau président, comme l’ancien candidat et ministre de l’Intérieur André Mba Obame, sont ses frères au sein de la Grande Loge du Gabon. François Stifani parie qu’ils « feront la paix » dans cette enceinte. Rien n’est moins sûr, tant les élites sont divisées depuis les dernières élections.

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