Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 14 janvier 2010

GUINEE : Retour aux affaires de Dadis Camara , UN CAMOUFLET POUR LES TENANTS DE LA DIPLOMATIE PARALLELE

dadis_compaore.jpgL’arrivée « surprise » du capitaine Moussa Dadis Camara, le chef du CNDD au pouvoir en Guinée, au Burkina Faso, il y a quelques jours, continue d’alimenter les chroniques d’une certaine presse internationale et suscite, dans les rangs de ceux qui sont opposés à son retour prochain aux affaires la panique et le désarroi.

Celui qui était annoncé, au lendemain de son hospitalisation au Maroc, d’abord mort dans un premier temps, puis impotent physiquement et finalement dépourvu de ses capacités mentales, est apparu aux yeux des nombreux témoins qui l’ont approché récemment dans les dispositions de retrouver, plus vite que prévu, toute la plénitude de ses fonctions.

Pourtant, le retour à Conakry, quelques jours plus tôt, du commandant Moussa Tiegboro Camara, ministre en charge de la lutte contre les narcotrafiquants et le grand banditisme, également soigné à Rabat à la suite d’un attentat à la grenade, annonçait celui du président guinéen. Devant une foule nombreuse de militaires et de civils, inconditionnels du chef du CNDD, il avait rassuré les uns et les autres sur l’état de santé de celui-ci, avant de promettre son retour imminent. 

Dès lors, embarrassés par la nouvelle donne, certains leaders guinéens qui ont choisi, pour l’heure la voie de l’exil parisien, malgré l’appel au retour au bercail du général Sékouba Konaté qui assure l’intérim, comme les proches de l’opposition radicale expriment dans certains sites guinéens bien connus, leur crainte (justifiée) de revoir Dadis Camara au pouvoir. Surtout après une féroce campagne médiatique destinée, en vain, à rendre improbable et même impossible, un éventuel retour aux affaires du chef du CNDD.

Il faut tout de même reconnaître que le capitaine Moussa Dadis Camara a bénéficié jusque-là d’une bonne étoile. Ayant survécu à la tentative d’assassinat perpétrée contre sa personne le 03 décembre 2009, il avait été évacué à Rabat pour des soins intensifs qui lui ont, fort heureusement, fait recouvrer sa santé. Après plus de cinq semaines de séjour dans le royaume chérifien, il débarque donc le lundi 11 janvier 2010 vers 22 h 30 à Ouagadougou. Le Maroc a démenti avoir voulu se débarrasser d’un hôte jugé « encombrant », ou fait pression sur les autorités burkinabé comme certains l’ont annoncé. 

Accueil banalisé a-t-on dit pour « l’embarrassant » Dadis Camara dont l’avion se serait posé par hasard à Ouagadougou, au lieu de Conakry comme initialement prévu. Contrairement à son intérimaire, le général Sékouba Konaté, qui aurait eu un accueil plus solennel, selon ces mêmes sources, le lendemain soir, à son arrivée dans la capitale burkinabé. Quelle incohérence ? Comment l’arrivée « surprise » de Dadis aurait-elle pu être bien organisée si c’est seulement dans les derniers instants du vol que les autorités ont été informées ? A moins que, justement ces mêmes autorités n’aient voulu garder secrète, jusqu’au dernier moment, la nouvelle de la venue au Burkina du président guinéen et tenir la presse éloignée de la scène, en attendant de mettre au point les conditions de son installation. Une médiatisation que le séisme violent qui a frappé Haïti, dans l’heure qui a précédé l’arrivée de l’avion marocain à Ouaga, a fortement contrarié, en faisant tourner tous les regards vers cette catastrophe naturelle inattendue.    

Autre signe du « destin », l’arrivée de Dadis Camara à Ouagadougou intervient le lendemain seulement du passage au pays des hommes intègres du ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner, farouche partisan d’une mise à l’écart du chef du CNDD. Le rappel à l’ordre du capitaine Moussa Dadis Camara à ce dernier (« la Guinée n’est pas une préfecture de la France ! »), a semble-t-il, ravivé le nationalisme à fleur de peau de nombreux guinéens qui n’avaient pas apprécié l’immixtion trop visible de certains cercles de l’Hexagone dans les affaires intérieures de la Guinée. Surtout depuis les évènements du 28 septembre, une date doublement symbolique… 

On a aussi évoqué « la nouvelle dynamique » enclenchée par le général Konaté depuis l’appel lancé pour la mise en place d’un gouvernement d’union nationale avec un premier ministre issu des rangs de l’opposition. A croire que ceux qui agitent ces propos ont la mémoire courte. Le discours tenu par le président par intérim, en parfaite intelligence avec le chef et les autres membres du CNDD qu’il avait consultés avant de le rendre public, n’est pas nouveau. Il rejoint en tous points l’appel lancé par Dadis Camara, en octobre dernier, au moment des négociations de Ouaga. A moins qu’on ne veuille appliquer la méthode Dadis sans Dadis…

Le retour de Dadis pourrait provoquer une guerre civile ou le désordre en Guinée, dit-on souvent, et depuis Dakar, pour un certain représentant de la section guinéenne de la Raddho, s’exprimant sur RFI, le retour de Dadis ne serait pas souhaitable dans son propre pays à cause des risques de troubles qu’il entrainerait. Dadis étant en dehors du jeu politique actuel, selon ses dires, quelle menace pourrait-il alors représenter ? Dans le contexte de surenchère actuelle, surtout au niveau des Forces vives, avec l’agitation des cercles politiques divisés sur le choix d’un premier ministre consensuel et le réchauffement du front social envisagé par des syndicalistes qui veulent également se mettre en avant désormais, c’est plutôt une mise à l’écart prolongée du chef du CNDD qui pourrait être source de problèmes.

Certains sites guinéens connus pour leur opposition farouche à Dadis Camara (guineeconakryinfo.com, guineenews.org, aminata.com, entre autres) essaient, de manière maladroite, de susciter une tension inutile et inopportune entre les membres du CNDD. D’abord, en identifiant deux camps rivaux qui se regarderaient en chiens de faïence, des pro-Dadis avec pour têtes de file Idrissa Chérif, le ministre porte – parole de la présidence et du ministère de la défense (qu’on disait il y a peu en exil à Abidjan !), le secrétaire permanent du CNDD et d’autres que ces sites gardent bien de citer, favorables « à une transition sans Dadis ». On ne se prive pas, d’ailleurs, de dévoiler la configuration prochaine du gouvernement d’union : un “trio de choc” composé de Jean Marie Doré – Hadja Rabiatou Serah Diallo – général Mamadouba Toto Camara, respectivement premier ministre, 1er vice premier ministre et 2ème vice premier ministre…

Vaste programme et, surtout, pure utopie ! Jamais le CNDD n’a été aussi soudé que dans cette période de vérité pour la Guinée. Les retrouvailles cordiales et les discussions franches et fraternelles des frères d’armes que sont Dadis Camara et Sékouba Camara, hier, dans la résidence affectée au chef du CNDD à Ouaga 2000 ont fini de lever toute équivoque. La sérénité règne toujours dans les rangs des acteurs historiques du 22 décembre 2008.  Il revient plutôt à l’opposition guinéenne, et en particulier aux leaders qui mènent une intense campagne médiatique de dénonciation et de diabolisation des militaires au pouvoir, de montrer les preuves de leurs capacités de dépassement et leur réelle volonté de tourner la page des invectives faciles et des coups d’éclats sans lendemain.

Avec la perche qui leur est tendue, l’heure est aux retrouvailles sincères pour l’élaboration d’une feuille de route réaliste et acceptable par toutes les parties. Une mise à l’écart de Dadis Camara n’est pas à l’ordre du jour. Le chef du CNDD peut mener tranquillement sa convalescence et les acteurs politiques leur partition, sans pour autant déranger. La Guinée a trop souffert de choix politiques précipités et de décisions majeures prises à l’emporte-pièce pour faire l’économie d’une transition apaisée devant conduire à des élections libres et ouvertes à tous.

 

Karim DIAKHATE

Chef d’édition

LA DEPÊCHE DIPLOMATIQUE AFRIQUE     

Les commentaires sont fermés.