lundi, 02 novembre 2009
Africentric public school : les Noirs de Toronto ont leur école
L’Histoire canadienne noire pour enfants, des cours de djembé et de cuisine africaine au programme
Les premiers élèves de la fameuse école ont donc fait leur rentrée le 8 septembre dernier. Vêtus d’uniformes aux motifs africains, 85 garçons et filles âgés de 6 à 10 ans sont devenus les stars de leur pays le temps d’une journée. Scrutés de près par les médias nationaux, les enfants ont assisté à un concert de percussions et au chant de l’Hymne national noir dans la cour de l’école, avant de rejoindre leurs bancs de classe. « Ils ont fait leur rentrée comme les autres élèves », témoigne May Morre, du département de communication de l’école « afrocentriste ». Comme les autres élèves ? Pas vraiment…
Certes, comme l’affirme la directrice de l’école, également chanteuse de jazz, Thands Hyman-Aman, le programme scolaire de l’« Africentric public school » est le même que celui des autres écoles primaires de la province de l’Ontario, dont Toronto est la capitale. Mais les outils pédagogiques diffèrent. « Les professeurs s’appuient sur les sources de connaissances des élèves noirs, à savoir les cultures afro-canadienne et caribéo-canadienne des enfants. Nous sommes moins eurocentrés que les autres écoles », explique May Morre. Le Kid’s Book of Black Canadian History » (Livre de l’Histoire canadienne noire pour enfants) devient donc le livre de lecture des élèves, et les personnalités comme la Gouverneure générale du Canada Michaëlle Jean (d’origine haïtienne), l’ancien Président sud-africain Nelson Mandela, et la kényane Wangari Maathai, lauréate du prix Nobel de la Paix 2004, sont susceptibles d’être évoquées par les professeurs durant l’année scolaire.
Autres spécificités de l’« Africentric public school », des activités manuelles comme les cours de djembé et de cuisine africaine sont proposées aux élèves, histoire de leur rappeler sans doute les sons et les saveurs de leurs ancêtres afro-caribéens. Une raison de plus d’envoyer ses enfants dans l’établissement noir qui a le vent en poupe pour les parents de la communauté afro-caribéo-canadienne de la ville. En effet, les demandes d’inscription n’ont cessé d’affluer vers la direction depuis la rentrée, portant à 130 le nombre d’élèves. L’établissement s’est ainsi retrouvé dans l’obligation d’agrandir ses locaux en louant des salles à l’école voisine.
Une solution pour les jeunes canadiens noirs ?
Si l’école « afrocentriste » a pu voir le jour, c’est en grande partie grâce à l’acharnement d’un groupe de parents d’élèves qui voyaient en cette école une solution au problème de l’échec scolaire de leurs enfants, un problème crucial à Toronto où 40% des étudiants noirs quittent le lycée sans avoir leur bac. « Nous sommes une école alternative parmi les 42 autres que compte l’Ontario. Comme elles, nous avons été créés par des parents qui souhaitaient d’autres modèles, d’autres voies de réussite pour leurs enfants », rappelle May Morre du département Communication de l’école. Au Canada, les écoles alternatives qui valorisent la culture de l’enfant, son savoir propre comme base de l’apprentissage sont nombreuses. Divisées en écoles alternatives privées et publiques, on en compte par exemple 32 dans la province du Québec.
Professeurs noirs, programmes noirs, cuisines noires et enfants noirs… Aux yeux des opposants de la solution « afrocentriste », l’« Africentric public school » dépasse la fonction d’école publique alternative, c’est une école ségrégationniste. Une accusation dont se défend vivement la direction, arguant que l’école reste ouverte à tous. Cependant, la totalité des enfants inscrits à l’école est noire ou métis, comme ses professeurs. « Même s’ils acceptent des élèves de toute origine, le problème n’est pas là », estime la Commissaire scolaire du district de Don Valley West, Gerry Gershon, opposante de la première heure à la création de l’école. « Le problème est dans le fait de séparer des enfants en fonction de leur couleur de peau. Là, ce n’est pas du bon boulot ! De plus, étant une école publique, ce sont les contribuables qui paient pour cette ségrégation, c’est injuste ! »
Concernant la réussite de la solution afrocentriste, Gerry Gershon reste sceptique. « Ces enfants ont des parents qui se battent pour leur éducation, qui ont été capables de créer une école pour cela. On parle donc de familles dévouées à la scolarité de leurs enfants. Dans ce cas, comment est-ce que ces enfants pourraient décrocher du cursus scolaire dans des conditions si idéales ? ». Pour elle, seuls les professeurs et principaux des écoles publiques générales possèdent les clés de la réussite des élèves noirs. « Une approche différente doit être essayée, c’est vrai, mais dans toutes les écoles. L’héritage culturel des élèves afro-canadiens et caribéo-canadiens doit faire partie des programmes communs, mais il ne faut surtout pas séparer les élèves, c’est un vrai retour en arrière ». Pourtant certaines mamans d’élèves étaient émues le jour de la rentrée, dans la cour de l’« Africentric public school ». De leur temps, elles étaient les seules noires de leur école…
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