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lundi, 03 août 2009

Didier Awadi, rappeur « Karim Wade aura beau réaliser des infrastructures, mais il ne sera jamais reconnu par les Sénégalais »

awadi_1.jpgLa langue de bois, Didier Awadi ne connaît pas. Le virulent rappeur qui a bâti sa réputation autour d'un engagement à la limite suicidaire, a encore une fois justifié son étiquette de pourfendeur du régime de l'alternance. Cette fois ci, le patron du studio Sankara et non moins leader du groupe mythique Positive Black Soul a dirigé ses attaques contre Karim Wade, qui selon lui, ne sera jamais reconnu par les sénégalais malgré tous ses manoeuvres pour entrer dans les bonnes grâces de ces concitoyens. A travers cet entretien vérité qu'il nous accorde, le rappeur à la grosse bedaine revient également sur les 20 ans de carrière du Positive Black Soul.

24 heures Chrono : Après 20 ans de carrière, comment appréciez-vous avec du recul l’engouement suscité par le rap avec les milliers de groupes présents au Sénégal ?

Didier Awadi : Il y’a beaucoup de tendance, de groupes, de feeling différents. C’est cela qui était notre objectif. Tout le monde ne peut pas faire comme le Positive Black Soul. Ça n’a aucun sens. Il faut qu’il y’ai de la diversité et c’est ce qui se passe. Il n’y a pas de marchés. Les artistes ne sont pas riches, ils n’ont pas d’argent. Mais au moins, ils ont le mérite de se battre et de tout faire pour continuer d’exister et c’est ça qui est important.

Vous avez été les pionniers. Mais à une certaine période il y a eu une nouvelle génération de rappeurs qui s’en sont vertement pris à vous, pour révolutionner le mouvement hip hop au sénégal.

Ce sont des gens qui avaient besoin de promo, il fallait tirer sur les plus grands pour percer et ils l’ont fait (sourire ionique). Est ce que cela nous a ébranlé ? Interrogez l’histoire.

Actuellement, ne pensez-vous pas qu’au fil du temps le rap a raté sa vocation avec la rareté des rappeurs engagés ?

Il m’est très difficile de l’affirmer. Toutefois, il y a de moins en moins de rappeurs engagés. Peut-être qu’il y’a beaucoup de corruption. Mais, il existe toujours des rappeurs engagés comme Gunman Khouman, Matador, le Pbs etc… Pour notre part, on continue toujours de suivre la voie qu’on s’était tracée depuis le début.

Est-ce que vous ne pensez pas que cela ne puisse plus permettre l’éveil des consciences, d’autant que la situation politico-économique du Sénégal va de mal en pis ?

Le pays va mal ça c’est une réalité, c’est un fait. On a le devoir de dire ce qui ne va pas. L’autorité a le droit d’écouter ce qui se passe en bas, c'est-à-dire la demande sociale et d’y répondre. Nous avons participé à l’alternance, en appelant les gens au vote et non à leur demander d’élire un camp ou non. Et nous serons toujours là pour appeler les gens au vote. Car c’est le vote qui détermine l’avancée de la démocratie dans un pays. Donc, il faut qu’il y’ait un vote intelligent pour consacrer la démocratie. C’est ce que nous demandons aux gens de faire. C’est notre rôle, c’est notre devoir et c’est la voie que l’on s’est tracé. Il faut que la démocratie ne soit pas un vain mot, mais une réalité dans notre pays.

Que vous inspire le phénomène Karim Wade ?

Ce n’est pas rendre service à Karim Wade, que de vouloir le propulser à la tête de ce pays. Car les Sénégalais ne sont pas prêts à accepter la dévolution du pouvoir par héritage.
Nous avons des valeurs républicaines depuis que le Sénégal est devenu indépendant. Nous avons eu deux présidents et aucun parmi eux n’a voulu mettre son fils aux affaires. L’exemple du Togo et du Congo sont à éviter. Ce n’est pas rendre service à Karim Wade que de l’afficher au vu et au su de tous. Si j’étais lui, je ferais autre chose que de la politique. Ne serait-ce que par rapport à une certaine morale, au respect qu’il doit avoir pour le peuple sénégalais. Il faut être un gentleman. Il faut avoir une certaine éthique. On n’a pas besoin de jouer avec les textes, pour tromper le peuple. Moi, quelque part quand je regarde ce garçon, je me dis que je ne veux pas me mettre à sa place. Je ne l’envie pas. Il ne sera jamais reconnu par les sénégalais, il aura beau réaliser des ponts des routes et des infrastructures, mais ce n’est pas comme ça qu’il sera adopté par les citoyens sénégalais ou qu’il va entrer dans le cœur des gens. Son père par contre est rentré dans le cœur des gens, parce qu’il a abattu un travail pendant 26 ans. Aujourd’hui que les gens soient mécontents ou pas de son bilan, il est légitime. Mais, Karim Wade par contre veut autoproclamer cette légitimité, or ça ne passe pas. La légitimité ne se force pas, elle ne s’impose pas par les milliards. Elle vient naturellement

Est-ce à dire que son père est quelque part responsable de son impopularité pour l’avoir imposé aux Sénégalais ?

Je ne sais pas si c’est son père ou si c’est lui car ça ne m’intéresse pas. Honnêtement, je n’ai pas envie de parler de Karim Wade, je ne veux pas faire sa promotion. A mes yeux il y a d’autres choses plus importantes que cela au sénégal. Karim Wade ne m’intéresse pas encore une fois.

Mais, vous êtes censé vous prononcer par rapport à ça d’autant que vous êtes citoyen sénégalais et de surcroît artiste engagé

C’est tout ce que j’avais à dire sur lui. Je n’ai pas envie d’en dire plus.

Qu’est ce qui vous a le plus marqué dans votre carrière ?

L’influence qu’on a eu sur tous ces jeunes africains. C’est impressionnant de voir comment de simples textes qu’on a écrits dans une petite chambre, sont parvenus à résonner partout dans le monde. Je n’arrive toujours pas à réaliser cela. C’est fou. Je n’arrive toujours pas à croire que ces textes pensés et rédigés dans de petites pièces sont allés jusqu’à faire le tour du monde, c’est ce qui m’impressionne le plus dans ma vie c’est comme le décollage d’un avion. Je n’arrive toujours pas à comprendre ces deux choses là.

Pensez-vous à vos tout débuts que vous alliez créer un tel engouement autour du rap ? Est-ce que vous vous attendiez à cela ?

Au début on faisait le rap pour s’amuser. C’était seulement un moyen d’expression. On ne pensait pas que ça allait prendre une telle ampleur. On n’avait jamais pensé à en faire une carrière. On ne se l’imaginait pas.

Et qu’est ce qui vous a finalement convaincu pour en faire définitivement un métier ?

C’est le succès du tube «Jokko» en 1992 qui nous a finalement poussé à embrasser une carrière de rappeur. Par la suite, il y’a eu Boul Falé qui a explosé au point que des champions comme Tyson en ont fait leur slogan. Ensuite, il y’a eu l’accueil de certains grands noms de la musique mondiale comme Solar et Krs One qui nous ont dopé.

Que vous inspire les tiraillements et l’animosité de plus en plus fréquents dans la musique Mbalakh même si vous n’êtes pas dans ce mouvement ?

Dans tous les mouvements les gens se crêpent les chignons se tirent dessus. C’est simplement la concurrence. Mais il faut que cette concurrence soit saine et non malsaine comme cela se passe actuellement. Mais cela ne vient pas comme ça d’un coup C’est la maturité elle vient toute seule C’est le fruit d’une longue expérience. C’est un processus.

 

  Auteur: Réalisé parAmadou Lamine MBAYE     

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