lundi, 16 juin 2008
Les tensions Congo-Belgique font leur première victime
LE GÉNÉRAL VAN DINGENEN était candidat à la tête de la coopération militaire européenne à Kinshasa. C’est sans doute fichu.
La crise entre la Belgique et le Congo risque de connaître une première conséquence : la nomination du général belge Frederic Van Dingenen à la tête de la force européenne Eusec est de plus en plus compromise. L’Eusec, qui est dirigée actuellement par le général français Pierre Joanna, représente la contribution de l’Europe à la réorganisation de l’armée congolaise.
Jusqu’à présent chargée, avant tout, de mettre en place et de contrôler la chaîne de paiement des soldes des militaires dans les unités brassées (où se rassemblent les hommes issus des anciennes factions belligérantes), l’Eusec, le 1er juillet prochain, verra ses fonctions croître en importance.
Le nouveau mandat de la coopération militaire européenne comprendra quatre axes : contrôler la chaîne de paiement des soldes et dissocier celle-ci du commandement des unités (afin d’éviter les risques de détournements par les officiers) ; mettre en œuvre des mesures d’identification des militaires (en recourant entre autres aux empreintes digitales) afin d’éviter des enrôlements fictifs et gérer les militaires.
L’Eusec participera aussi à la mise en œuvre des accords de Goma (qui prévoient le désarmement, le cantonnement ou le rapatriement des combattants hutus rwandais) et à celle des accords de Nairobi (qui prévoient le désarmement de toutes les factions armées présentes au Kivu, dont celle de Laurent Nkunda, ainsi que le recyclage de tous les hommes en armes.)
L’Eusec devrait aussi contribuer à la création de la force de réaction rapide dont le ministre de la Défense, Chikez Diemu, entend doter la nouvelle armée, afin de protéger les populations et de défendre le territoire.
La structure de coopération militaire européenne, qui devrait se composer d’une soixantaine d’hommes, contre une quarantaine aujourd’hui, serait aussi le canal par lequel du matériel militaire européen serait fourni à l’armée congolaise.
Vu l’importance à la fois stratégique et politique de la coopération militaire européenne, la direction de l’Eusec est devenue un poste très convoité et très sensible.
Jusqu’à présent, en remplacement du général français Joanna (qui aurait aimé demeurer en fonction, mais n’entretenait pas de bons rapports avec ses homologues congolais), c’est le général belge Van Dingenen, 59 ans, qui était tenu pour favori.
Ce Bruxellois bilingue, ancien chef de cabinet d’André Flahaut sans être membre du PS, avait surtout été le « patron » des opérations militaires de l’armée belge durant quatre ans, soit la plus haute fonction opérationnelle.
Lorsqu’il avait succédé à André Flahaut, Pieter De Crem avait remplacé Van Dingenen par le général Buysse, en lui promettant de soutenir sa candidature à la tête de l’Eusec.
Fort de sa connaissance du terrain et de ses excellentes relations avec les Congolais, et entre autres avec le ministre de la Défense, l’officier belge avait déjà mis sur pied une petite équipe et il se préparait à relever le défi du nouveau mandat de l’Eusec, beaucoup plus sensible sur le plan sécuritaire que précédemment.
Cette candidature risque aujourd’hui de faire les frais de la crise ouverte par Karel De Gucht : alors que les ministres français Jean-Pierre Borloo (Environnement) et Rama Yade (Intégration) se sont succédé à Kinshasa et ont transmis une invitation du président Sarkozy, qui souhaiterait accueillir le président Kabila à Paris durant sa présidence de l’Union européenne, on voit mal comment Kinshasa pourrait, face à une candidature française, préférer un Belge à la tête de l’Eusec.
Dans cette hypothèse, qui pourrait bien se vérifier dans les prochains jours, le général Van Dingenen aurait perdu à la fois la direction des opérations en Belgique et toute perspective d’une carrière militaire au niveau européen.
Quant à la Belgique, elle aura perdu un autre poste stratégique en Afrique centrale, le Néerlandais Roeland van De Geer étant, lui, envoyé spécial de l’Union européenne dans la région des Grands Lacs…
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