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mardi, 27 mai 2008

Le petit Mobutu au trou

Jean-Pierre Bemba. A 45 ans, l’ancien chef de milice et opposant congolais a été arrêté à Bruxelles sur la demande de la Cour pénale internationale. L’épilogue d’un parcours marqué par la violence, le pillage et la guérilla.
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A Kinshasa, on l’appelait le «petit Mobutu». Pourtant, il n’est pas petit; il mesure 1,90 m et dépasse le quintal. Le «petit de Mobutu» aurait été plus juste comme surnom. Longtemps la rumeur a couru que Jean-Pierre Bemba était le fils caché du dictateur zaïrois. C’est possible, mais peu importe, l’important c’est qu’il a tout fait pour cultiver le mimétisme avec l’homme à la toque léopard. Il a eu le temps de l’observer de près, au temps de sa jeunesse, lorsqu’il était élevé à Gbadolite, le village-palais du mobutisme finissant, au fin fond de la jungle de l’Equateur.

A 45 ans seulement, Jean-Pierre Bemba a presque tout connu : l’enfance d’un fils à papa, l’exil, la guérilla et ses atrocités, les ors de la vice-présidence, la passion d’une campagne électorale. Mais la prison, le tribunal peut-être, ça non. Depuis qu’il a été arrêté, samedi soir à Bruxelles à la demande du procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Jean-Pierre Bemba doit se dire que les temps ont bien changé. Désormais, un juge argentin installé aux Pays-Bas, peut vous faire coffrer pour des crimes commis par vos miliciens lors d’une expédition en Centrafrique remontant à six ans. Rien à voir avec la justice belge qui avait eu le bon goût de ne jamais faire appliquer une condamnation par contumace à un an de prison pour «traite d’êtres humains», en 2003.

Gros poisson. Plus tard, les historiens diront peut-être que l’arrestation de Bemba marque le véritable acte de naissance de la CPI, créée par le traité de Rome il y a exactement dix ans et entrée en service deux ans plus tard. Jamais, le procureur Moreno Ocampo, à qui certaines ONG reprochent son approche pour le moins prudente, ne s’était attaqué à si gros «poisson». Certes, Bemba est affaibli, en exil depuis le printemps 2007, quelques mois après sa défaite à la présidentielle, mais il était - est toujours ? - le chef de l’opposition, un futur possible président de cet immense pays, le mieux doté d’Afrique en richesses naturelles.

Viols de masse. Dès sa naissance, Jean-Pierre Bemba était programmé pour régner. Son père, Jeannot Bemba Saolona, un métis portugais, était le grand argentier de Mobutu. Au début des années 90, Jean-Pierre Bemba rentre de Bruxelles, où il a mené des études de commerce dans une bonne école. Le wonderboy se lance dans les télécoms, l’aéronautique, l’audiovisuel. Il investit, dit-on, l’argent du vieux kleptocrate zaïrois. Sa sœur se marie avec Nganda Mobutu, l’un des fils du chef. Lorsque le vieux dictateur est renversé, en 1997, par Laurent-Désiré Kabila, Bemba prend le chemin de l’exil et rafle, dit-on, ce qui reste de la fortune de son mentor. Un an plus tard, il revient au pays à la tête du Mouvement de libération du Congo (MLC), un parti-milice formé avec l’aide de l’Ouganda, qui envahit tout le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). Bemba prend ses quartiers dans l’ancien palais pillé de Mobutu, où il fait passer le temps en jouant à la Playstation. Il pille tout ce qui se monnaye : or, bois précieux, diamants, café… Les rapporteurs des Nations unies le mettent en cause, comme tous les autres belligérants, congolais et étrangers, de ce qu’on a appelé la «première guerre mondiale africaine». Pendant qu’il est occupé à accroître sa fortune, Bemba «oublie» de payer ses hommes, qui se livrent aux pires atrocités d’abord en République centrafricaine voisine, où il se porte, en 2002 avec l’aide du colonel Kadhafi, au secours du président Ange-Félix Patassé, menacé par des rébellions armées. C’est à cette occasion que les miliciens du MLC se livrent à des viols de masse. En toute logique, Patassé, aujourd’hui en exil au Togo, devrait lui aussi être inquiété par la CPI. L’année suivante, les hommes du MLC sont accusés d’atrocités dans la province de l’Ituri, notamment de cannibalisme à l’encontre des Pygmées. Bemba se défend en organisant une conférence de presse grand-guignolesque au Grand Hôtel de Kinshasa, où des chefs pygmées ont été acheminés dans la capitale pour certifier qu’ils n’ont pas été mangés. Mais Bemba est intouchable à ce moment-là. Il est une pièce maîtresse des accords de paix de Sun-City, qui ont mis fin à la guerre civile en RDC et prévoient un retour à la démocratie. Le chef du MLC occupe à ce titre l’un des quatre postes de vice-présidents.

Très vite, il s’impose comme le principal rival de Joseph Kabila, qui a succédé à son père début 2001. Les deux hommes se retrouvent au second tour de l’élection présidentielle de 2006, la première véritablement démocratique de l’histoire du pays depuis l’indépendance en 1960. Au terme d’une campagne tendue, au cours de laquelle Bemba n’a eu de cesse de mettre l’accent sur sa «congolité» face aux origines prétendument douteuses de son adversaire, c’est finalement Kabila qui l’emporte facilement avec 58 % des suffrages. Bemba doit se contenter d’un siège de sénateur. Il y a un an, il est contraint à l’exil par la garde présidentielle, qui désarme sa garde personnelle par la force. Depuis, il vivait au Portugal, près de Faro.

10:10 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : RDC |  del.icio.us |  Facebook | | |

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