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mardi, 15 avril 2008

Le procès des diaboliques Fourniret suspendu

MICHEL FOURNIRET A RECONNU l’enlèvement et le meurtre d’Elisabeth Brichet. Les parents de la victime ont témoigné avec émotion. L’audience a du être suspendue : l’un des assesseurs est malade.
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L’inspecteur principal Carpentier, qui dirigea l’enquête Brichet jusqu’en 1997, termine sa déposition lorsque, sibyllin, le président Latapie annonce une suspension d’audience, évoquant « un petit problème de procédure ».

La cour, croit-on, doit examiner la recevabilité des documents annoncés : des extraits filmés des interrogatoires des deux accusés. On se trompe : le président est, beaucoup plus prosaïquement, confronté à une défaillance de l’un de ses assesseurs qui, soudainement indisposé, a dû être hospitalisé. Il est à peine midi. L’audience ne reprendra pas : peu avant 15 heures, le président annonce sa suspension jusqu’à ce mardi matin. « Nous laisserons, dit-il, une demi-journée de repos à notre confrère. »

Il y a un assesseur suppléant, bien sûr, mais le procès est encore long et la sagesse commande qu’on n’envisage cette solution qu’en ultime recours. Et sans doute les informations dont il dispose autorisent-elles le président à penser que son assesseur sera en état de siéger ce mardi.

Quoi qu’il en soit, la première des deux journées que la cour d’assises des Ardennes comptait consacrer à l’enlèvement, au viol et au meurtre d’Elisabeth Brichet, le 20 décembre 1989, tourne court. Et les deux seules heures où il en fut question, lundi matin, n’ont pas toujours eu, c’est vrai, cette spontanéité qui avait présidé jusqu’ici aux dépositions des proches des victimes.

Francis Brichet, le père d’Elisabeth, donnera lecture d’un texte dans lequel il évoque « les années de plomb d’un père souvent oublié, qu’on n’informait pas – ou rarement –, comme si Elisabeth ne s’était pas appelée Brichet. » Le visage d’Elisabeth – celui de cette petite fille blonde, en tee-shirt fuchsia, dont le regard craquant vous retourne l’âme comme une chaussette – apparaît sur l’écran géant.

Marie-Noëlle Bouzet, sa mère, a rédigé un texte, elle aussi. Qui dénonce notamment « l’incurie du système judiciaire ». Sinon « son imbécillité ». Elle ? Elle ne fut jamais, dit-elle, qu’« une maman qui n’a jamais été crédible auprès de ceux qui avaient la charge de retrouver Elisabeth ». Elle n’ira guère plus loin : elle a égaré une feuille qu’elle cherchera vainement avant de renoncer, incapable, dit-elle, de s’exprimer autrement. Elle se ravise : « Nous, les victimes, nous ne réclamons pas le pouvoir. Ni même la vengeance. Nous voudrions seulement que la souffrance de toutes ces filles serve au moins à améliorer votre système qui semble si peu approprié », lance-t-elle à la cour.

Puis c’est Vanessa G. qui vient raconter, en pleurs, cette après-midi qu’Elisabeth avait passée chez elle, ce mercredi-là. Les parties d’enfer sur l’ordi Nathan, ces amourettes vénielles qu’elles s’étaient confiées, ces rosseries qu’elles avaient faites au téléphone – « On formait des numéros au hasard. » Puis, à la nuit tombée, cette course à la boulangerie et la rencontre avec cet homme qui leur avait dit bonsoir dans l’obscurité d’un sentier : un inconnu que l’enquête s’acharnerait vainement à identifier. Elisabeth s’était éclipsée à l’heure du souper. Pour toujours.

La question de Me Lombard, l’avocat de Francis Brichet, est tombée juste après.

– « Michel Fourniret, pourriez-vous nous tracer un portrait d’Elisabeth Brichet ? »

L’accusé s’est raclé la gorge. « Maître, finit-il par répondre, votre question me gêne. »

Et c’est sans doute vrai. Jamais encore, depuis le début de ce procès, une question n’a sollicité chez lui cette corde-là : celle de sa possible humanité. L’avocat a perçu la faille. Il donne lecture de ces deux extraits d’interrogatoire où Fourniret évoque « la distinction naturelle » d’Elisabeth, « sa silhouette gracieuse de ballerine ».

Il y a comme un flottement dans le box des accusés. Me Lombard invite Michel Fourniret « à sortir de la gangue de l’odieux ». « Montrez, l’adjure-t-il, que vous êtes quand même un homme : ce serait une sortie autrement digne que celle que vous vous préparez. »

Mais l’accusé a déjà réintégré sa gangue – l’avait-il seulement jamais quittée ? « Votre raison, Maître, n’est pas la mienne, coupe-t-il. Les avocats qui veulent vraiment la vérité savent les conditions dans lesquelles j’accepterai de collaborer à sa manifestation. » Et il se rassied.
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