lundi, 14 avril 2008
MEURTRE DE SAMBA LAMPSAR SALL EN RUSSIE : DEUX ANS APRÈS, L’ETAT SENEGALAIS SOUTIENT LA FAMILLE POUR LE PROCÈS
7 février 2006-7 février 2008. Voilà deux ans que le jeune étudiant sénégalais, Samba Lampsar Sall, a été froidement abattu dans la seconde ville russe : Saint-Pétersbourg. Plus meurtris que jamais, les parents du brillant étudiant sénégalais, vers qui nous sommes allés, attendent l’ouverture du procès, maintenant que l’instruction du dossier est close et 14 personnes interpellées. Ils veulent simplement que justice soit rendue. Leur quotidien est à jamais affecté, mais ils se remémorent avec bonheur du souvenir impérissable du « bon garçon » et semblent quittes avec eux-mêmes d’avoir donné à l’enfant le meilleur des présents : une bonne éducation
Un domicile anonyme dans le paisible quartier de Sacré-Cœur 3. La quiétude de la concession n’est nullement perturbée par le maître des lieux. Un salon sobre aux fauteuils bien rangés. Des encyclopédies bien visibles sur des vitrines renseignent sur la forte volonté de chercher le savoir du maître des lieux, Badara Sall qui, somme toute, semble esseulé dans sa maison. La compagnie de son épouse, Fatou Diop, n’y fait rien. Le vide semble à jamais installé dans la famille. Une absence troublante, mais surtout pesante qui taraude encore et pousse à s’interroger sur le destin. Mais, dans la foi et la dignité, les parents du défunt Samba Lampsar Sall sont plongés dans le recueillement et trouvent refuge, aujourd’hui plus que jamais, dans la prière. N’ont-ils pas redit des prières à l’endroit de leur jeune enfant, mort il y a deux ans déjà à Saint-Pétersbourg, le 7 avril dernier, second anniversaire de l’assassinat. Et, dorénavant, en bons musulmans, la famille Sall trouve le repos dans la prière. Mais aussi dans l’attente du verdict qui sera prononcé contre les auteurs du crime crapuleux. Encore faudrait-il que le procès soit ouvert.
Rappel des faits : Samba Lampsar Sall, 28 ans, de nationalité sénégalaise, est froidement abattu le 7 avril 2006. Le groupe d’étudiants africains parmi lequel se trouvait le brillant étudiant sénégalais en Télécommunications est pris pour cible par une retentissante détonation. Les jeunes s’enfuient avant de se rendre compte que l’un d’eux n’est plus là. Samba gît dans son sang. Assassiné. Tout près de lui, l’arme du crime : une carabine surmontée d’une croix gammée, le symbole nazi.
Les parents du jeune défunt lancent, comme un cri de cœur, un seul et même vœu : que justice soit faite. Encore meurtris et affectés par cette perte brutale qu’ils réalisent à peine, les deux parents avouent n’avoir pas « d’exigence particulière sinon que justice soit dite ». Aujourd’hui que l’instruction du dossier est close et que 14 personnes sont arrêtées, les deux parents ont l’attention tournée vers la Russie. Une patrie qui peut être celle de Samba qui y est né, à Moscou précisément, alors que sa maman, professeur depuis 30 ans de russe, était partie conduire la délégation sénégalaise pour le séminaire organisé par l’Université Patrice Lumumba à l’intention des enseignants de cette langue.
Les parents destinaient l’enfant à des études de médecine, mais lui ne voulait que suivre des études en télécoms. Il a fallu l’intervention de son grand-frère, l’aîné de la famille, pour que permission lui soit accordée afin de réaliser sa volonté. « Il a constitué lui-même son dossier et procédé à la demande de bourse qu’il a obtenue du gouvernement sénégalais. Il prenait même des cours auprès d’un collègue sans que je ne sois avisée », souligne la mère. Le jeune sénégalais est mort dans ce pays qui l’a vu naître. Suffisant pour que le père décèle une « dimension mystique ».
Le souvenir du défunt, qui avait quitté les siens six ans auparavant, est entaché d’une image d’un gamin sorti de l’adolescence. Le père parle de lui en usant toujours de « notre enfant ». « Un garçon engagé qui a eu une enfance heureuse et tranquille et qui était très intéressant, mais également brillant », apprécie le père. « Il n’aimait pas l’injustice et était un garçon adorable », tranche la mère visiblement encore sous le choc. Ses lunettes myopes cachent mal l’ampleur de son désarroi qui se lit dans ce regard plus que profond. Elle avait pourtant vu son garçon à Paris en 2004 et avait découvert un enfant qui s’était métamorphosé en un homme. Un homme qui savait ce qu’il « voulait et se donner les moyens d’atteindre ses objectifs ».
« L’Etat du Sénégal a fait face et a assumé pleinement ses responsabilités dans cette affaire. Il a commis des avocats qui suivent le dossier et le procès devrait bientôt s’ouvrir. Nous attendons que l’audience soit fixée. Notre ambassade est en relation avec les avocats », révèle le père. Il est également reconnaissant à l’endroit du président de la République qui, dit-il, les a reçus.
Invités aux manifestations académiques organisées par l’université des Télécoms lors du premier anniversaire du décès, les deux parents ont une appréciation positive sur l’attitude de l’université qui avait pris en charge le rapatriement de la dépouille. Les journées culturelles, initiées par Samba Lampsar, organisées par l’Université à l’occasion du premier anniversaire, ont été une tribune pour développer des communications sur le racisme. Et, à la fin, l’université avait pris la décision de créer deux bourses spéciales pour perpétuer son nom. Les parents attendent de rencontrer le chef de l’Etat sénégalais pour rendre public ce qu’ils entendent faire pour la postérité.
Le vide est plus qu’immense. « Nous avons perdu notre fils. Aucune compensation n’est possible et rien ne nous le rendra. Notre préoccupation pour que justice soit dite relève d’une question de dignité. Que ceux-là qui ont commis cet acte ignoble répondent devant la justice des hommes », lancent en guise de cri du cœur les deux parents qui aimeraient assister au procès. Nul doute que l’Etat du Sénégal, qui a joué le jeu jusque-là, continuera à les assister dans cette quête de justice.
Auteur: Ibrahima Khaliloullah Ndiaye
10:48 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0) | del.icio.us | Facebook | | |
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