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samedi, 12 avril 2008

L'enfer quotidien des habitants de Sadr City

BAGDAD (Reuters) - Recroquevillée dans un coin de sa maison de Sadr City, Saloua Nasser récite ses prières, une morne litanie ponctuée à l'extérieur par le crépitement des mitrailleuses.

"Mon Dieu, mon Dieu, transformez en eau le feu qu'ils déchaînent contre nous", psalmodie cette institutrice de 24 ans.

Pour les deux millions d'habitants de ce quartier chiite de l'est de Bagdad, si pauvre qu'on le présente souvent comme un bidonville, la vie est un enfer depuis le début des combats entre l'Armée du Mahdi de l'imam radical Moktada Sadr et les forces de sécurité américano-irakiennes.

Les affrontements des dernières semaines sont parmi les plus violents dans la capitale irakienne depuis que les forces américaines en ont chassé le régime de Saddam Hussein il y a cinq ans.

C'est une tentative non concluante du gouvernement du Premier ministre Nouri al Maliki, lui aussi chiite, de reprendre à l'Armée du Mahdi le contrôle de Bassorah, la grande ville du Sud, qui a mis le feu aux poudres à Sadr City.

L'épreuve de force entre le gouvernement et les miliciens de Sadr, qui a fait des centaines de morts en trois semaines, s'annonce comme l'un des épisodes les plus décisifs en cinq ans de guerre.

Les miliciens sadristes armés et masqués qui tiennent Sadr City écument les rues en ouvrant le feu sur les patrouilles américaines ou irakiennes. La nuit, ils essuient les tirs de missiles de drones américains.

"Nos souffrances commencent la nuit quand les combattants de l'Armée du Mahdi se faufilent dans les ruelles: à chaque instant nous nous attendons à des attaques aériennes", confie Laïs Madjid, un étudiant de 22 ans.

"Les victimes, ce sont toujours les gens innocents. On ne peut plus dormir la nuit et notre patience est à bout. Ce sont les journées les pires que j'ai jamais vécues et j'ai l'impression que la vie ne redeviendra jamais normale", se lamente-t-il.

Comme si les balles, les obus de mortier et les missiles ne suffisaient pas à la peine des habitants du quartier, il est interdit depuis deux semaines à tout véhicule de circuler à Sadr City, ce qui a entraîné une pénurie de médicaments et de vivres.

"DIEU BÉNISSE" LES MILICIENS SADRISTES

Samedi matin, au terme d'une nouvelle nuit de combats, le blocus du quartier par les forces de sécurité a été partiellement levé, permettant à certains habitants d'en sortir ou d'y revenir.

Mohamed Mounsir, un médecin de l'hôpital Imam Ali de Sadr City qui vit hors du quartier, n'avait pas osé rejoindre son poste depuis plusieurs jours de crainte des raids aériens américains.

Il se félicite d'avoir pu reprendre son travail samedi, "grâce à Dieu".

Depuis une semaine, les hôpitaux Imam Ali et Sadr ont admis des centaines de blessés. Dans le même temps, les combats ont fait plus d'une centaine de morts, dont des miliciens chiites et des civils.

Les habitants de Sadr City ont dû s'adapter à la situation, qui bouleverse leur vie et leurs habitudes.

Dans un étroit passage du centre de Sadr City, un groupe de jeunes garçons vêtus de maillots des clubs de football du Real Madrid et de Barcelone joue aux dominos et au backgammon.

"Nous ne pouvons plus jouer au football en plein air, c'est trop dangereux, alors nous sommes venus nous amuser ici", explique un des jeunes gens.

D'autres habitants sympathisent avec les miliciens sadristes, qui ont juré d'interdire l'entrée du quartier aux soldats américains et de les bouter hors de la capitale.

"Dieu vous bénisse!", crie une femme sur le seuil de sa maison à un groupe de six miliciens portant lance-roquettes, fusils et mitrailleuses. "Grâce à vous nous gardons la tête haute et nous montrons au monde que nous battrons jusqu'au bout contre les occupants!", les félicite-t-elle.

Moustafa, un gamin de douze ans, implore un autre groupe de combattants chiites, dont son oncle fait partie, de l'emmener avec eux au combat. Il est renvoyé prestement chez lui, en pleurs.

Dans une maison voisine, d'autres enfants dorment, apparemment insensibles au crépitement des armes et aux explosions. "Ils se sont habitués au bruit des bombardements. Maintenant cela ne les réveille plus", explique leur mère.

Version française Marc Delteil

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