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mercredi, 02 avril 2008

Le père d'une victime interpelle Michel Fourniret et la justice

CHARLEVILLE-MEZIERES, Ardennes (Reuters) - Le père d'une jeune fille tuée en 1987 près d'Auxerre a pris à partie à la cour d'assises le tueur en série présumé Michel Fourniret et demandé des explications sur les défaillances de la justice, qui n'a jamais ouvert d'instruction sur les faits.

Au cinquième jour d'audience, dans un face-à-face tendu, Jean-Pierre Laville, père d'Isabelle, 17 ans, a demandé à l'accusé de 65 ans, poursuivi pour sept meurtres au total, de dire la vérité. Ce dernier a maintenu qu'il ne parlerait qu'à huis clos et expliqué qu'il avait pensé en suicide.

"Les familles sont là. Elles attendent vos réponses. Aurez-vous le courage de répondre aux familles qui vous demandent justice ? La parole est à vous", a dit Jean-Pierre Laville, voix tremblante.

Parlant de lui à la troisième personne, l'accusé a répondu : "Il vous suffit de dire un mot. Ce type-là a refusé les photos car il se doit aux victimes et non au théâtre. Ce type-là est décidé à vider ce qu'il porte, face à vous et en aucun cas pour s'exhiber. Je regrette de me montrer aussi pitoyable".

Jean-Pierre Laville a repris : "Le seul moyen, c'est la parole. Qu'est-ce qui vous en empêche ? Arrêtez donc. Je pense que vous n'aurez pas la lâcheté de rester tranquille".

L'accusé, qui a avoué les faits à l'enquête, a fait part de ses intentions suicidaires : "Vous avez employé, monsieur, le terme de lâcheté. Je crois que tout un chacun a la possibilité de se défiler en en finissant. J'ai depuis toujours manifesté ma volonté d'être présent au procès, devant vous, ça n'a pas toujours été facile, la tentation a été très grande d'en finir".

"Je ne demande pas mieux que ma tête tombe sur le billot en public, mais mes paroles n'iront pas en public, je maintiens ma position, quitte à accroître votre douleur", a-t-il conclu.

LE PARQUET DEFEND LE CLASSEMENT DE L'AFFAIRE

Le 11 décembre 1987, selon les déclarations du couple en 2004, Monique Olivier a persuadé Isabelle Laville de monter à bord de son véhicule, disant être perdue. Plus loin, Michel Fourniret attendait sur le bord de la route, un bidon d'essence à la main, et son épouse l'a fait monter à son tour, feignant de lui porter secours en raison d'une panne.

Au début de l'audience Monique Olivier, a confirmé : "Je reconnais les faits, je regrette beaucoup".

La jeune fille a ensuite été violée puis étranglée par Michel Fourniret, avec l'aide de son épouse, selon ses déclarations à l'instruction. Son corps n'a été retrouvé qu'en 2006, au fond d'un puits de la région d'Auxerre, sur les indications de l'accusé, arrêté en juin 2003.

Des enquêtes administratives au tribunal d'Auxerre avaient révélé en 2002 que l'enquête de gendarmerie sur la disparition d'Isabelle Laville, concluant à l'enlèvement, avait été classée sans suite par le parquet, en janvier, puis en juillet 1988.

La famille Laville n'avait jamais été informé de cette décision. L'avocat général Francis Nachbar a pris la parole pour tenter de justifier ce manquement. Selon lui, il n'y avait aucun élément tangible et une instruction n'aurait rien donné.

"On ne peut pas dire, 'on a retrouvé le corps d'Isabelle, on va oublier ce qui s'est passé à Auxerre'. On a le sentiment qu'une chance a été perdue d'identifier Michel Fourniret et son épouse", a répondu Me Alain Behr, avocat des Laville.

En 1987, Fourniret venait de finir une peine de prison pour abus sexuels, était sous contrôle judiciaire et son domicile, à 10 km des lieux de la disparition, était connu de la justice.

L'avocat de Michel Fourniret, Pierre Blocquaux, a dit : "c'est une faute grave, un dysfonctionnement majeur que cette affaire ait été traitée de la sorte". Jean-Pierre Laville a repris la parole : "le juge (d'Auxerre-NDLR) est un peu responsable si Michel Fourniret et Monique Olivier ont pu continuer. Si j'étais à sa place, je ne serais pas très fier".

Les deux magistrats du parquet d'Auxerre de l'époque, André Ride et Frédéric Clot, sont aujourd'hui respectivement patron de l'Inspection générale des services judiciaires et en poste au parquet de Bordeaux. Ils ne sont pas cités comme témoins.

Thierry Lévêque

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