samedi, 09 février 2008
Un plan "banlieue" Sarkozien pour éviter toute racaille
PARIS (Reuters) - Le discours de Nicolas Sarkozy sur les banlieues a été reçu avec prudence et attentisme par une partie des associations et des maires de banlieues présents vendredi à l'Élysée.
"C'est bien, il s'est calmé", a glissé à la secrétaire d'État à la Politique de la ville, Fadela Amara, un jeune de Bondy (Seine-Saint-Denis) invité, avec d'autres habitants des quartiers, à discuter avec le président après son discours dans les jardins du palais.
Sofiane Aoudia, du groupe de réflexion Cercle citoyens responsables, a trouvé "ce plan très ambitieux, notamment en ce qui concerne l'accompagnement personnalisé des jeunes en échec scolaire".
"Ce qui manque c'est la volonté de mettre fin à la 'culture ghetto' dans les quartiers", a-t-il dit à Reuters.
"La réalité c'est que les jeunes ont zéro culture. La culture d'origine de leurs parents, ils ne l'ont pas suffisamment et la culture française non plus", a-t-il souligné. "Il y a très peu de conservatoires, de théâtres dans ces quartiers. On a l'impression qu'on leur interdit Racine et Molière et qu'on leur laisse uniquement le hip-hop et les cours de cuisine".
Lors d'une discussion avec Nicolas Sarkozy sur la terrasse ensoleillée, une jeune fille a déploré la politique du "tout répressif" et des jeunes ont fait part de leurs inquiétudes.
"Beaucoup de gens ne se retrouvent pas dans vos mesures", a dit un jeune diplômé ayant du mal à trouver un emploi.
"Pouvez-vous me certifier que les mesures ne seront pas laissées à l'abandon si, demain, on change de ministre ?", lui a demandé un autre. "L'échéance, c'est dans cinq ans", lui a répondu le président.
"On m'a proposé un stage de maçon alors que moi, je veux devenir président de la République !", a lancé un troisième au chef de l'Etat, qui lui a serré la main sous les rires en guise de réponse.
Devant la presse dans la cour de l'Élysée, plusieurs maires de banlieue se sont déclarés plutôt déçus.
"Nous sommes contre ce gouvernement mais nous sommes des élus responsables. La situation est tellement grave dans ces quartiers qu'il faut qu'on travaille tous ensemble et on l'a fait", a dit François Pupponi, maire PS de Sarcelles (Val d'Oise).
MAIRES DÉÇUS OU PERPLEXES
"La déception est un peu grande car les propositions que nous avons faites n'ont pas été reprises, en particulier sur la réforme des dotations de l'État", a-t-il déploré.
Le maire socialiste de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Claude Dilain, s'est dit "à moitié déçu et perplexe sur la deuxième partie du discours".
"Ce que j'attendais c'était l'affirmation d'une volonté politique (....) C'est ce qu'il a dit et là c'est un motif de satisfaction", a dit l'édile, qui aurait en revanche souhaité que le président encourage "une meilleure solidarité entre les villes riches et les villes pauvres".
"Il faut une forte volonté politique parce que je ne connais aucune ville riche qui de gaieté de coeur va mettre la main au porte-monnaie et se priver de certains moyens au bénéfice de villes en difficultés", a-t-il fait remarquer.
Pour Hassan Ben M'Barek, du collectif Banlieue Respect, ce plan contient des "choses intéressantes", notamment sur les thèmes de l'éducation et du désenclavement.
"Mais on reste quand même dans une logique du tout sécuritaire", a-t-il dit à Reuters au téléphone.
Le maire de Vaulx-en-Velin, Maurice Charrier a exprimé sa "profonde déception".
"Rien de véritablement concret n'a été annoncé à propos des politiques dites de droit commun, comme le droit au logement l'insertion, l'éducation", écrit-il dans un communiqué.
Maurice Charrier, qui attendait la visite de Nicolas Sarkozy le 22 janvier dernier pour présenter ce plan banlieue, regrette que le président "soit resté sur un discours moralisateur, stigmatisant, élitiste en profond décalage avec les souffrances qui s'expriment dans les quartiers, mais aussi les réussites très nombreuses qui émergent de ces quartier et les profondes volontés de s'en sortir".
Dans les états-majors politiques, les réactions ont été conformes aux clivages traditionnels.
"Il (le plan) est en-dessous de la moyenne, parce que neuf mois de travail, beaucoup d'énergie déployée par Fadela Amara mais à l'arrivée, à part reprendre un certain nombre de choses qu'on connaissait déjà en matière d'emploi, de désenclavement, il n'y a pas de vision", a déclaré à la presse Julien Dray, porte-parole du Parti socialiste.
Pour Faouzi Lamdaoui, secrétaire national du PS à l'égalité, "en annonçant vouloir mettre fin à la loi des bandes, Nicolas Sarkozy fait un aveu surprenant de mauvais bilan de ministre de l'Intérieur". "Il n'a aucune perspective sérieuse à offrir", a-t-il dit à Reuters.
"Plutôt qu'un énième plan où s'alignent les chiffres et les mesurettes, le chef de l'État a porté une vision globale de l'évolution de nos banlieues, en mettant l'accent sur l'éducation et l'accès à l'emploi", a estimé en revanche Yves Jégo, porte-parole de l'UMP, dans un communiqué.
Elizabeth Pineau
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