samedi, 09 février 2008
Affaire des milliards de la Société Générale:Jérôme Kerviel en prison, un autre suspect en garde à vue
PARIS (Reuters) - L'enquête sur la perte de 4,9 milliards d'euros de la Société générale a pris un tour nouveau vendredi avec l'emprisonnement du trader Jérôme Kerviel et la mise en garde à vue d'un autre protagoniste de l'affaire, un courtier d'une société liée à la banque.
Après une audience à huis clos et plusieurs heures de délibération, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a infirmé la décision des juges d'instruction Renaud Van Ruymbeke et Françoise Desset, qui avaient laissé Jérôme Kerviel en liberté sous contrôle judiciaire le 28 janvier.
Ce dernier a été transféré à la prison de la Santé, à Paris.
La cour retient, comme le demandait le parquet, la nécessité de protéger les "nombreuses investigations techniques à mener", "d'éviter la concertation avec d'éventuels complices ou co-auteurs", "les risques de pressions sur d'éventuels témoins" et les risques de fuite à l'étranger.
L'avocate du trader, Me Elisabeth Meyer, qui était en larmes, a annoncé qu'elle déposerait un pourvoi en cassation. "Je ne m'explique pas cette décision. c'est maintenant le pot de terre contre le pot de fer", a-t-elle dit à la presse.
Le porte-parole embauché par Jérôme Kerviel, Christophe Reille, qui tentait d'organiser avant la décision une apparition devant les caméras, n'a fait aucune déclaration.
SANCTIONS POUR DES "MENSONGES"
Me Jean Veil, avocat de la Société générale, a estimé que la cour avait sanctionné ce qu'il considère être des mensonges de Jérôme Kerviel. "L'éloignement entre ses déclarations et la vérité a fait que la cour d'appel a été sensible à l'appel formulé par le parquet", a dit l'avocat à la presse.
"Il a menti en arrosant autour de lui, en prétendant que sa hiérarchie, en tout cas la plus proche, était au courant. (..) Je pense que son placement en détention est une décision cohérente avec l'évolution du dossier", a-t-il ajouté.
Mis en examen pour "faux, usage de faux, abus de confiance et introduction dans un système de traitement automatisé de données", Jérôme Kerviel a dit à la police et aux juges avoir agi seul, tout en affirmant que sa hiérarchie était au courant de ses pratiques d'engagement à risque.
Jérôme Kerviel reconnait avoir engagé la somme de 50 milliards d'euros et fait des faux pour cacher le fait qu'il n'avait pas pris d'engagements parallèles pour couvrir le risque, ce qui est la règle dans ce type d'opérations.
La liquidation de ces positions par la Société générale entre le 21 et 23 janvier a matérialisé la perte de 4,9 milliards d'euros.
Par ailleurs, un employé de la société de courtage boursier Newedge, ex-Fimat, a été placé en garde à vue jeudi, mesure prolongée de 24 heures vendredi, a déclaré le parquet de Paris.
"RIEN D'ILLÉGAL"
Cet homme, identifié de sources proches de l'affaire comme s'appelant Moussa Bakir, semble être intervenu comme intermédiaire dans les transactions litigieuses.
Jeudi, la brigade financière a perquisitionné les locaux à Paris de l'ex-Fimat, importante société de courtage, à l'époque des faits filiale à 100% de la Société générale.
Cet organisme, situé sur les Champs-Elysées - devenu au début de l'année Newedge après une fusion avec Calyon Financial, filiale du Crédit agricole - a assuré, comme c'est l'usage dans ce type de transactions, la réalisation concrète de certains des engagements financiers du trader sur des indices boursiers, les "futures".
Aucun commentaire n'a pu être obtenu auprès de Newedge.
Les enquêteurs tentent de comprendre pourquoi la prise de position sur 50 milliards d'euros de Jérôme Kerviel n'a pas été détectée, à la Société générale et chez le courtier.
La Société générale a versé au dossier judiciaire des éléments sur Fimat, notamment de nombreux messages informatiques échangés par le courtier de Fimat et Jérôme Kerviel, qui laissent penser qu'ils coopéraient, dit-on de source judiciaire.
Parmi ces échanges, un message du courtier à Jérôme Kerviel, publié par le Monde, disait le 30 novembre : "tu n'as rien fait d'illégal au sens de la loi".
La Société générale dit aussi s'étonner des factures de téléphone portable de Jérôme Kerviel, plus de 1.000 euros mensuels, somme jugée élevée alors que le trader bénéficiait de téléphones professionnels.
Le suspect peut soit être libéré, soit être présenté aux juges d'instruction samedi avec une possible mise en examen pour "complicité d'abus de confiance".
Thierry Lévêque, Tim Hepher
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