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dimanche, 23 décembre 2007

Un réfugié soudanais incrimine les membres de l'Arche de Zoé

N'DJAMENA (Reuters) - Un réfugié soudanais travaillant pour "L'Arche de Zoé" accuse les membres de l'ONG française de lui avoir menti en dissimulant leur projet de transfert des enfants en Europe.

Le témoignage de Souleyman Ibrahim contredit les dépositions faites auparavant de membres de l'Arche, dont six ressortissants français comparaissent actuellement à N'Djamena pour "tentative d'enlèvement de mineurs et escroquerie", un délit passible au Tchad de cinq à 20 ans de travaux forcés.

Interrogé par le juge au deuxième jour du procès devant la Cour criminelle, Ibrahim, qui est inculpé de complicité dans cette affaire, a affirmé que les humanitaires français lui avaient demandé de recruter des enfants défavorisés dans les villages de l'est du Tchad limitrophe du Darfour soudanais.

Il a précisé devant les magistrats que ses interlocuteurs lui avaient dit que les enfants seraient scolarisés dans les centres que l'ONG française devait gérer dans la région frontalière.

"Ils m'ont trompé. Ils m'ont dit qu'ils vont rester à Adré (NDLR: localité de l'est du Tchad proche du Darfour) (...). Si c'était pour amener les enfants ailleurs, je ne serais pas d'accord", a-t-il dit en arabe.

"Ils m'ont demandé si je pouvais leur trouver des enfants des pauvres et (ils ont dit) qu'ils vont leur ouvrir un centre où les enfants vont étudier l'arabe et le français".

Auparavant, des membres de "L'Arche de Zoé" avaient nié devant la cour avoir dupé les familles africaines pour les inciter à leur confier leurs enfants.

"On n'a rien promis aux villageois. On leur a expliqué seulement l'objectif de notre association, qui est d'aider les enfants orphelins du Darfour, (...) des enfants malades dans une zone de guerre", a ainsi déclaré l'ambulancière Emilie Lelouch en s'adressant au juge au moyen d'un micro.

Quant à Eric Breteau, l'ancien pompier et fondateur de l'ONG, il a rejeté en bloc le témoignage d'Ibrahim. "Tous ces propos sont faux", a lancé le président de "L'Arche de Zoé", entendu le premier à l'ouverture, vendredi, du procès.

Outre Emilie Lelouch, l'infirmière Nadia Merimi a été interrogée samedi par le juge et le ministère public.

BISCUITS ET FRIANDISES

Elles ont repris les arguments de défense exposés la veille par Eric Breteau, qui a déclaré que les intermédiaires locaux auxquels son groupe avait fait appel lui avaient assuré qu'ils venaient en aide à des orphelins abandonnés et malades de la province soudanaise du Darfour.

Des enquêtes de l'Onu et des autorités tchadiennes ont révélé que la plupart des enfants de "L'Arche de Zoé" n'étaient ni orphelins, ni malades. Certains ont dit qu'on leur avait offert des friandises et des biscuits pour partir de chez eux.

Les six humanitaires sont inculpés de tentative d'enlèvement de 103 enfants de un à dix ans originaires de l'est du Tchad. Ils ont été arrêtés le 25 octobre à Abéché, dans l'est du pays, alors qu'ils allaient faire monter les enfants dans un avion à destination de la France.

Trois Tchadiens et un Soudanais sont également accusés en tant que complices.

Des avocats tchadiens et beaucoup d'autres Tchadiens s'attendent cependant à ce que les six Français soient rapatriés après le verdict aux termes d'accords judiciaires bilatéraux ou en vertu d'une grâce accordée par le président Idriss Déby.

Un avocat représentant des parents d'enfants a déclaré aux journalistes qu'ils réclamaient le versement par les accusés de 100 millions d'euros de dommages et intérêts.

L'affaire de "L'Arche de Zoé", qui a suscité des manifestations antifrançaises au Tchad, est une source d'embarras pour Paris, qui soutient le gouvernement de Déby.

Des troupes françaises aident l'armée tchadienne à combattre des rebelles dans l'est du pays et doivent fournir le gros des effectifs de la force européenne Eufor dont le déploiement est prévu en janvier dans l'est du Tchad, pour y protéger des camps de réfugiés et des équipes humanitaires.

Des responsables tchadiens ont accusé "L'Arche de Zoé" d'avoir cherché à organiser un système d'adoptions illégales sous le couvert d'une opération humanitaire. Des représentants du groupe affirment que l'adoption n'est pas l'objectif poursuivi mais que certaines familles françaises espéraient accueillir des enfants.

Version française Philippe Bas-Rabérin et Jean-Loup Fiévet

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