jeudi, 06 septembre 2007
Le retour d'al Qaeda
En deux jours, les polices allemande et danoise ont démantelé deux groupes liés au réseau Ben Laden. La frontière tribale entre l'Afghanistan et le Pakistan a repris sa fonction centrale.
Pour les experts, ce n'est pas une surprise.
EPA
Éclairage
A quelques jours de l'anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, les polices européennes s'activent. L'Allemagne a déjoué hier un attentat majeur qui aurait visé les intérêts américains dans le pays, des pubs, discothèques ou bases militaires, dont éventuellement la base de Ramstein, tête de pont vers l'Irak et l'Afghanistan. La veille, c'était au Danemark qu'une cellule islamiste était démantelée. Dans les deux cas, les arrestations ont été effectuées après des mois d'enquête et à un stade avancé d'exécution : la police allemande a mis la main sur douze bidons de 730 kg de peroxyde d'hydrogène et estime que les terroristes avaient les moyens de perpétrer des attentats plus meurtriers qu'à Madrid (2003) et qu'à Londres (2005).
L'analyse américaine
Pour les experts en terrorisme, ce n'est pas vraiment une surprise. Depuis des semaines, les responsables américains affirmaient se préparer à un attentat de grande ampleur. Et leurs homologues européens parlent d'une menace continue. La France, par exemple, reste depuis 2001 au stade le plus élevé de son plan Vigipirate.
Le 17 juillet dernier, la Maison-Blanche a diffusé une note affirmant que "la menace terroriste pesant sur le pays est plus grave qu'on ne le pensait. Cette menace provient principalement de groupes et de cellules islamistes, en particulier d'al Qaeda". La note se basait sur un rapport des services nationaux du renseignement (DNI) qui a autorité sur une quinzaine d'agences de renseignements.
Le rapport soulignait que le réseau d'al Qaeda avait reconstitué à la frontière afgha-pakistanaise trois éléments essentiels à l'organisation d'attentats : "Un lieu sûr dans la zone tribale administrée au niveau fédéral par le Pakistan, des adjoints en état d'agir et son commandement."
Cette réorganisation, selon les experts, a démarré vers 2005 lorsque des jihadistes venus d'Irak ont commencé à enseigner aux talibans des techniques d'attentats plus meurtrières. Malgré des coups durs portés au leadership d'al Qaeda, une structure s'est remise en place dans une zone que l'armée pakistanaise a vainement tenté de contrôler, avant de battre en retraite.
Selon le parquet général allemand, les trois suspects arrêtés mercredi en Allemagne se sont entraînés au Pakistan et font partie d'un groupe d'Ouzbékistan, l'Union islamique du Jihad, qui s'est internationalisé. La filière pakistanaise domine également les attentats de Londres, en plus du complot déjoué en août 2006 qui aurait fait exploser plusieurs avions de ligne assurant la liaison entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
Une zone vitale
Déboutés d'Afghanistan en 2001, les islamistes radicaux ont un besoin vital de garder au Pakistan des zones où le président Musharraf ne peut pas faire respecter la loi. Le leader pakistanais est leur principale cible, de même que Rawalpindi et Islamabad, les sièges des pouvoirs militaire et politique du pays. Dans le même temps, les talibans poussent vers l'Afghanistan : ils contrôlent six districts sur douze de la province de Helmand et font des incursions ailleurs.
Des trois principaux axes (Irak, Afrique du Nord, Pakistan) qui inspirent l'islamisme radical aujourd'hui, la zone afgha-pakistanaise reste donc la plus influente, six ans après les attentats de New York et de Washington. Si la branche irakienne d'al Qaeda est la seule qui ait ouvertement évoqué le projet d'attaquer directement les Etats-Unis sur leur sol, les autres groupes de cette mouvance idéologique ont d'autres objectifs, parfois purement locaux afin de renverser monarques et régimes, parfois planétaires.
Début août, as-Sahab, l'outil multimédia du réseau terroriste, a diffusé une vidéo d'Azzam l'Américain, un Californien converti à l'islam et soutien de longue date d'Oussama ben Laden. Il appelait les musulmans à détruire "les nids d'espions, les centres de commandement et de contrôle militaires" à partir desquels sont planifiées les interventions en Irak et en Afghanistan. Sur base de l'expérience désormais acquise, on estime qu'il faut un délai entre un et trois ans avant qu'un attentat soit effectivement commis - à moins qu'il ne soit, heureusement, déjoué.
christophe lamfalussy
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