mardi, 01 juin 2010
Belgique, Javaux: "Le prochain Premier ministre? Pourquoi pas moi !"
Voici le texte de l’entretien que nous a accordé le coprésident d’Ecolo, Jean-Michel Javaux.
Vous arrivez au pouvoir demain. Quelles sont les trois mesures que vous appliquez ?
Je lance un plan intergouvernemental avec les Régions et les Communautés pour augmenter notre effort dans la transformation écologique de la société Cela peut prendre la forme d’un emprunt d’Etat pour financer un fonds qui réunit tous les fonds énergétiques destinés à renforcer l’efficacité énergétique partout où cela est possible. Deuxième initiative : je garde la trajectoire de rigueur budgétaire jusque 2015-2016 mais avec des glissements et des réorientations. Et je fais rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat.
Comment ?
En appliquant les recommandations de la commission de la lutte contre la fraude fiscale.
Tout le monde dit cela…
Non. Je propose, par exemple, de taxer certaines opérations boursières en fonction de la volatilité des titres. Il faut aussi réorienter les intérêts notionnels. Ils coûtent 4 milliards bruts, 700 millions nets, pour 300 ou 3 000 emplois créés : cela fait cher l’emploi. Ecolo a aussi une taxe sur les fortunes de plus d’un million d’euros bruts imposables (hors domicile) et les parachutes dorés supérieurs à 250 000 euros. Enfin, nous voulons réinstaurer les tranches d’imposition de 55 % au-dessus des 50 000 euros de revenus bruts Tout le monde dit cela ?
Une troisième idée ?
Dans notre paquet social, nous voulons relever les minima des pensions à 1 250 euros, quel que soit le statut. La même pension de base doit être la même pour tous, que l’on soit salarié, fonctionnaire, indépendant Aujourd’hui, un pensionné sur trois vit sous le seuil de pauvreté.
Ne pas toucher à la loi de sortie du nucléaire, c’est une condition sine qua non ?
Je n’utilise pas ces mots "condition sine qua non", "exclusive", "ultimatum". Mais depuis que les écologistes ont quitté le gouvernement, les autres partis ont utilisé les cas de force majeure pour prouver qu’il y aurait des problèmes d’approvisionnement et trouver ainsi le motif pour prolonger les centrales. C’est plus que bancal. Surtout quand on voit le nombre de gigawatts/heure déjà accordés dans d’autres centrales (cogénération et turbine gaz/vapeur). La sortie du nucléaire était phasée : de 2015 à 2025. Aujourd’hui, nous pouvons avoir des doutes pour 2025. Mais celles qui devraient fermer en 2015 sont déjà remplacées par celles qui ont déjà reçu leur permis. Nous devons avoir un mix énergétique qui nous rende plus indépendants des ressources fossiles.
Les électriciens devraient-ils payer pour la prolongation des centrales ?
Je ne lie pas la prolongation des centrales à la rente nucléaire. Mais on pense qu’on peut aller y chercher 1 milliard et non 250 millions comme c’est prévu aujourd’hui.
Vous êtes bien le seul à vouloir encore de cette loi de sortie du nucléaire…
Si Ecolo arrive au pouvoir au fédéral, nous appliquerons les lois de sortie du nucléaire. Je pense que la grosse crainte d’Electrabel est de constater que si on ferme les trois premières unités, il y aura encore de l’électricité en Belgique. J’ajoute cet élément, intéressant à mes yeux : nous pourrions aussi développer une expertise mondiale dans le démantèlement des centrales. Quoi qu’il arrive, même en Chine où on en construit encore, il faudra les démanteler après trente trente-cinq ans d’existence.
Avec qui souhaitez-vous gouverner ?
Je constate que nos idées (défense des services publics, choix budgétaires et fiscaux) peuvent nous amener en proximité avec certains partis Par contre, j’applaudis à deux mains le travail accompli par la libérale Sabine Laruelle sur le statut social des indépendants.
La tentation de reproduire l’Olivier (PS-Ecolo-CDH) au niveau fédéral sera-t-elle grande ?
Il est prématuré de parler de cela. Il faudra surtout voir ce qui se passe en Flandre, là où l’Olivier est très loin de réaliser une majorité.
Faut-il un gouvernement symétrique ?
Non. Mais j’entends souvent dans la bouche des leaders des deux grands partis, PS et MR, des appels à la grande union nationale, voire à la tripartite traditionnelle. Qu’est ce que cela changera par rapport au dernier gouvernement qui a déjà démissionné cinq fois Partout dans le monde, les écologistes montent. Car les traditionnels ne sont pas capables d’apporter des réponses au système économique qui non seulement n’a pas assuré la redistribution des richesses, mais a exploité toutes les ressources naturelles et n’a pu empêcher la dérégulation financière. Dans une tripartite traditionnelle, les partis se neutralisent.
Comment qualifier votre vision de la Belgique de demain ?
Notre vision, c’est une Belgique fédérale modernisée où se déroule un dialogue décomplexé et permanent. Nous prônons, par exemple, l’instauration d’une circonscription électorale fédérale et la transformation du Sénat en une véritable assemblée des Régions et des Communautés. Pour moi, les compétences peuvent aller dans les deux sens. La Sécu doit rester fédérale. On peut discuter de l’accompagnement des chômeurs. On peut régionaliser des parties de politique du travail. Il faut pouvoir diminuer la pression sur le travail sans toucher au socle de la Sécu, il serait dangereux de régionaliser le contrôle du chômage. Quand on voit le nombre d’exclus du chômage qui viennent directement vers les CPAS.
Mais les Flamands disent qu’il leur faut des leviers dans ce domaine.
Ce sera discuté. Je n’arrive pas avec des tabous dans les négociations, mais j’ai mes positions sur les droits politiques et judiciaires de BHV. Nous avons fait un travail suffisamment important pour aboutir à un accord assez rapidement lors de la formation du gouvernement.
Donc, il faudra faire les deux en même temps, former le gouvernement et régler les problèmes communautaires ?
Oui. Il faut des garanties pour qu’un maximum de démocrates flamands votent pour les partis qui veulent un accord.
Les Flamands ne vous croient pas forcément. Le débat à la VRT de ce week-end a montré une certaine suspicion.
J’ai entendu un De Croo dire que les francophones avaient évolué. Marianne Thyssen elle-même a évolué. Il paraît que quatre entreprises sur dix en Belgique envisagent de délocaliser, notamment à cause de l’instabilité politique. Alexander l’a entendu, il faut que De Wever l’entende.
Il y a deux ans, vous aviez trois tabous. Notamment celui de ne pas gouverner avec la N-VA. Vous avez évolué ?
Oui.
Son discours est plus audible aujourd’hui ?
Non, mais à quinze jours des élections, je ne veux pas venir avec des exclusives qui pourraient bloquer la formation d’un gouvernement. De même, nous ne devions ne pas entrer dans un gouvernement sans Groen!; aujourd’hui, nous avons convenu que si l’un ou l’autre pouvait débloquer la situation, il fallait le faire.
N’empêche que la N-VA dit déjà vouloir aller plus loin vers le séparatisme.
C’est pour ça que je n’ai pas envie de provoquer Bart De Wever. Mais je constate que la plupart des partis flamands ne veulent pas de la deuxième étape de De Wever.
Comme Premier ministre, vous choisiriez Di Rupo ou Marianne Thyssen ?
Pourquoi pas moi ? (Rires). Je préférerais que ce soit un écologiste. Du Nord ou du Sud.
Vous être candidat Premier ministre ?
Evidemment. Quand on se présente au fédéral ! Il y a une logique qui veut que ce soit un francophone si son parti arrive comme premier parti du pays. Mais Marianne Thyssen pourrait être un facteur favorisant l’émergence d’une solution.
Regrettez-vous d’avoir étalé votre vie privée dans les médias ?
Oui. Mais je réponds aux questions, je ne les suscite pas. C’est la dernière interview pour "La DH" qui m’a fait le plus mal. Il y avait un contrat, le même questionnaire pour chaque président de parti à côté d’une interview politique. Ici, on a isolé l’interview, coupé certaines fins de phrase. On a voulu vendre du papier. Mais c’est vrai qu’en pleine campagne électorale, dans des moments aussi difficiles, ce n’était pas approprié.
Vous avez tendu le bâton. Il faut pouvoir refuser des questions, non ?
C’est ma difficulté, comme l’a dit Jacky Morael. Je réponds avec mon cœur, mais je ne sais pas refuser les questions. Je suis resté le même pendant huit années. On m’avait déjà posé ces questions sans que ça fasse un tel buzz dans la presse.
le Co-président d'Ecolo sur Twizz et la Libre Belgique
13:17 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : belgique, ecolo | del.icio.us | Facebook | | |