lundi, 22 février 2010
La mortalité maternelle, plaie du Burkina Faso
« Tu es enceinte ? Non, je ne veux pas vivre ce malheur ! » Un discours que Salvator Sagues, chercheur en Afrique de l’Ouest pour Amnesty International, a plusieurs fois entendu au Burkina Faso [1]. Chaque année, plus de 2000 femmes meurent de complications liées à la grossesse et à l’accouchement, d’après les chiffres du gouvernement. Pourtant, selon Amnesty International, la plupart des décès auraient pu être évités. Certaines femmes décèdent parce qu’elles n’ont pas eu le temps de parvenir aux centres de santé en raison d’obstacles géographiques, financiers ou culturels. D’autres ne peuvent pas bénéficier de transfusion sanguine à cause d’une forte pénurie de sang dans le pays. Mais, ce sont les discriminations que subissent ces personnes dans la vie quotidienne qui préoccupent le plus Amnesty International. « Si les hommes accouchaient, il n’y aurait peut-être pas autant de décès », a estimé le chercheur Gaëtan Mootoo lors d‘une conférence de presse donnée le 21 janvier à Paris. Le statut inférieur de la femme porte atteinte à son droit de décider si elle désire des enfants. « Les femmes n’ont pas de prises de décision dans leur vie privée ». Depuis juillet 2008, l’association a parcouru le Burkina Faso dans le cadre de quatre missions de recherches autour de la mortalité maternelle. Plus de 50 cas de femmes décédées pendant la grossesse ou l’accouchement ont été examinées. Le rapport publié mercredi a pour but de sensibiliser les autorités burkinabè. « Les femmes ont des droits » De nombreux obstacles empêchent les femmes d’avoir accès aux services dont elles ont besoin. Outre le problème d’accessibilité géographique, le manque d’information sur les droits sexuels et reproductifs est critique dans le pays. « Il faut convaincre les populations qu’elles ont un rôle à jouer. Les femmes ont des droits », déplore Paule Rigaud, responsable de campagne au Burkina Faso. « Des corrupteurs profitent de l’ignorance pour faire payer des soins », dénonce-t-elle. Néanmoins, la mortalité maternelle est aussi due à la réticence des femmes à se rendre dans des centres de santé. Cela concerne particulièrement celles qui, pauvres et issues des milieux ruraux, reçoivent des soins dans des dispensaires offrant des conditions d’hygiène déplorables. « Des femmes préfèrent accoucher à même le sol », précise Gaëtan Mootoo. Pour que la situation soit convenable pour les patientes, le problème de la confidentialité est le premier à résoudre étant donné que des femmes sont « rejetées » par les médecins eux-mêmes. Un travail de longue haleine Les autorités burkinabè n’ont pas ignoré cette tragédie, le gouvernement adoptant en 2006 une stratégie nationale de subvention des soins obstétricaux et néonataux d’urgence. Celle-ci prévoie de prendre en charge 80% du coût des soins. Depuis, le taux de mortalité maternelle a décru, passant de 566 pour 100 000 naissances en 1993 à 307 en 2008. Mais la politique de mise en œuvre souffre de grosses lacunes. « L’objectif est que 100% des accouchements soient médicalement assistés. On demande aussi une exemption totale des coûts des soins d‘urgence », explique Amnesty International. Alarmé par les conditions de vie des femmes au Burkina Faso, l’organisation non gouvernementale a décidé de parcourir le pays du 28 janvier au 9 février prochain avec une caravane de sensibilisation, le but étant d’informer les populations sur les enjeux de la santé maternelle et de donner suite à la publication du rapport Donner la vie, risquer la mort : la mortalité maternelle au Burkina Faso . Amnesty International devrait s’entretenir la semaine prochaine avec des ministres et agents de la Santé, de la Promotion des droits humains, de la Promotion de la femme et des bailleurs de fonds. Un travail de longue haleine qui devrait inspirer les autres pays environnants où les femmes connaissent les mêmes maux. |
14:11 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : burkina | del.icio.us | Facebook | | |