mercredi, 04 août 2010
Dits et non-dits de Di Rupo
Trente juillet 2010, 18h. Salle internationale de la Chambre des Représentants. Le préformateur Elio Di Rupo tient, en néerlandais et en français, une longue conférence de presse après plus d’une semaine de silence quasi complet. De nombreuses informations sur les négociations sont distillées lors de son discours mais une phrase attire l’attention. "Tous les partis autour de la table s’accordent pour dire qu’il est probable qu’il y ait une évolution institutionnelle qui pourrait être équivalente à celles de 1980 ou de 1988-1989".
Extrapolons. Les réformes de l’Etat de 1980 et de 1988-89 ne sont pas les premières que la Belgique ait connues. Ni les dernières. Car la Belgique fédérale telle que nous la connaissons aujourd’hui s’est construite étape par étape.
Petit rappel historique. La préhistoire de ces réformes de l’Etat se situe en 1962 avec la mise en place de la frontière linguistique et en 1963 avec l’instauration de l’unilinguisme régional en Flandre et en Wallonie.
La première réforme eut lieu en 1970 avec la création et la mise en place des communautés culturelles, ancêtres des actuelles communautés. La mise en place des régions wallonne et flamande n’eut lieu que lors de la seconde réforme de l’Etat, celle de 1980. Celles-ci (ainsi que les communautés) reçurent de nombreuses compétences, un parlement et un gWouvernement. En 1989, c’est au tour de la région Bruxelloise d’être installée et d’autres compétences furent prises à l’Etat central pour les donner aux régions et communautés.
Mais ce n’est que lors de la troisième réforme de l’Etat, celle de 1993, que la véritable révolution copernicienne s’effectua. En effet, la Constitution belge, une nouvelle fois révisée, stipulait désormais dans son article premier que "La Belgique est un Etat fédéral". La Belgique unitaire, même fortement régionalisée, avait vécu. Elle entrait désormais dans le cercle des Etats fédéraux. Qui plus est, il a été décidé d’attribuer la compétence résiduaire aux entités fédérées. En d’autres mots, l’Etat ne dispose plus que des compétences qui sont listées dans la Constitution, les autres compétences appartenant "par défaut" aux régions et communautés.
Mais, faute de pouvoir s’accorder sur le contenu de cette liste, ce pan de la réforme ne fut jamais appliqué. L’article 35 de la Constitution portant sur cette compétence résiduaire attend encore et toujours son entrée en vigueur. Les réformes de l’Etat qui suivirent - 1999 et 2001 - furent comparativement de moindre ampleur et concernèrent principalement l’autonomie fiscale des entités fédérées ainsi que l’acquisition de nouvelles compétences.
Sur base de cet éclairage, les déclarations d’Elio Di Rupo paraissent surprenantes. Faire référence aux réformes de 1980 et 1988-1989, cela signifie attribuer plus de compétences aux communautés et aux régions. Donc, répondre positivement aux demandes des partis flamands. Mais cela signifie également que l’organisation institutionnelle de ces entités fédérées sera revue.
Diverses pistes peuvent être à cet égard envisagées : la fusion de la communauté française et de la région wallonne, l’attribution à Bruxelles d’un statut équivalent aux autres régions, la création d’une quatrième région germanophone, etc.
A n’en pas douter, la prochaine réforme de l’Etat devrait ainsi combiner une redéfinition des compétences en faveur des régions et communautés et un redécoupage institutionnel de ces entités fédérées. Mais, dans le discours du préformateur, c’est surtout l’absence de toute mention à la réforme de l’Etat de 1993 qui saute directement aux yeux. On ne se dirigerait pas vers une modification de la structure de l’Etat belge comme on l’a connue en 1993 en passant d’un Etat unitaire à un Etat fédéral.
Exit donc les revendications flamandes en faveur du confédéralisme. Car, modifier les compétences et les institutions fédérées ne signifie pas automatiquement modifier la forme d’organisation de l’Etat. La Belgique post-2010 serait donc toujours un Etat fédéral composé de communautés et de régions.
Reste alors sur la table la question de la compétence résiduaire. Un accord sur cette liste de compétences appartenant au fédéral et l’entrée en vigueur de cet article 35 sera-t-il suffisant pour répondre aux demandes flamandes ? Et quelles seront les éventuelles compensations obtenues par les partis francophones ? S’ils veulent répondre à ces questions, les prochaines semaines ne s’annoncent pas vraiment calmes pour le préformateur et le groupe des 7
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