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mercredi, 28 avril 2010

Belgique, la bombe BHV continue ses ravages

Cocorico. Il n’y a pas d’heure pour la crise politique. Et en Belgique, pour ne pas en manquer une miette, mieux vaut se très lever tôt. Ainsi les présidents des partis francophones étaient-ils sur toutes les ondes, ce mardi aux aurores, pour claironner que la faute de cette crise politique incombait à l’Open VLD et à son "irresponsable" chef de file Alexander De Croo. Sur la RTBF, sur Bel-RTL, les Milquet, Javaux, Reynders et Onkelinx ont martelé un message linéaire : "Ce n’est pas nous qui sommes à l’origine de cette crise, nous sommes en colère, nous étions proches d’un accord sur BHV, ce sont les ultimatums du VLD qui nous ont pourri la vie". Tant bien que mal, Alexander De Croo tentera de riposter. Peine perdue : du côté francophone, le fils d’Herman fait désormais figure d’épouvantail.

 Il est 10h30 du matin et la pression, côté flamand, repose désormais sur les épaules du CD&V - seule formation politique au Nord du pays à ne pas avoir tenu un discours en faveur d’élections législatives anticipées. Officieusement, pourtant, la présidente du CD&V Marianne Thyssen a emboîté le pas à son collègue libéral flamand et a, elle aussi, fait réserver des encarts publicitaires dans la presse en prévision de la campagne électorale. Tiens - lire ci-contre -, le MR, Ecolo et le CDH ont réservé des adresses Internet dès la semaine dernière en prévision de la campagne électorale. "Au PS, s’amuse un cadre rouge, on était tellement obnubilé par les 125 ans du parti qu’on a une longueur de retard dans la préparation des élections sur les autres, mais ce sera très vite rattrapé."

Le vent tourne, donc, au CD&V. Réunis rue de la Loi, durant la matinée, les haut gradés du CD&V ont pris la décision de suivre les autres partis flamands dans leur volonté d’organiser des élections anticipées rapidement. Yves Leterme est, dit-on, le plus difficile à convaincre. Mais le virage est pris et le Premier ministre - signe des temps - prend une première décision. Il fait dare-dare modifier la page d’accueil de son compte Twitter. Désormais, il n’est même plus renseigné comme Premier ministre de Belgique dans sa courte biographie, mais comme "Yves Leterme" tout court. Décidément, Vincent Van Quickenborne - qui a flanqué son profil Twitter d’un "démissionnaire" - fait des émules...

 Mardi matin, on ne chôme décidément pas. Les contacts reprennent entre Elio Di Rupo, président du PS et Caroline Gennez, la présidente des socialistes flamands. La question est de savoir si la position adoptée la veille par la présidente du SP.A (qui refuse de monter au gouvernement fédéral) est stratégique ou ferme et définitive. En clair, le refus de Caroline Gennez est-il destiné à faire monter les enchères? Est-elle déjà en train de négocier son entrée au gouvernement fédéral ou est-elle sincère? Autre question: le SP.A est-il un et indivisible ou y a-t-il certaines divergences au sein du parti? Autrement dit, les Vande Lanotte, Stevaert, Vandenbroucke, seraient-ils prêts à participer à un gouvernement d’urgence ou Caroline Gennez et Bruno Tobback parlent-ils au nom de tout le parti?

 

Il apparaît rapidement que Caroline Gennez ne souhaite vraiment pas sauver un gouvernement fédéral dont elle condamne l’action, ou plutôt l’inaction, depuis son installation. Les socialistes francophones comprennent, cependant, qu’elle serait disposée à étudier cette éventualité, mais à plusieurs conditions:

- que la famille libérale ne fasse pas partie du gouvernement: le SP.A a un œuf à peler avec les libéraux flamands. C’est à leur demande et malgré l’insistance d’Elio Di Rupo que le SP.A a été exclu du gouvernement fédéral, en novembre 2008, lorsque Guy Verhofstadt a exercé un bref intérim. Et à Bruxelles, c’est le VLD qui a exclu le SP.A de la majorité régionale;

- qu’un autre Premier ministre prenne la place d’Yves Leterme. Et les préférences des socialistes flamands vont à Steven Vanackere et à Marianne Thyssen.

- qu’il y ait concomitance des élections en 2014: élections régionales, européennes et fédérales;

- que l’accord sur BHV que les partis négocieraient soit accepté rapidement par la N-VA. Car pour le SP.A, il faut à tout prix éviter d’importer au gouvernement flamand, "le seul qui fonctionne encore", les problèmes communautaires.

Bref, des conditions qui rendent (quasi) impossible un atterrissage des socialistes flamands au fédéral...

 

Il est 13h, la rue de la Loi est sous le soleil, et Yves Leterme saute dans sa limousine noire. Direction Laeken où il s’en va plaider pour la tenue de législatives anticipées. Il sort du Palais... Et dégaine son Blackberry pour faire une déclaration à l’agence Belga dont il a le secret. Ainsi, sans avoir consulté les partenaires de son gouvernement, Yves Leterme indique notamment qu’il convoquera un Conseil des ministres jeudi matin. Et espère que le gouvernement se mettra d’accord pour demander au Parlement de voter quelques textes, une large liste d’articles de la Constitution soumis à révision et demandera à la ministre de l’Intérieur de veiller à ce que les prochaines élections se déroulent légalement... Voilà donc Yves Leterme en mode scrutin. Et à la libérale flamande Annemie Turtelboom de s’arranger pour que ces élections soient validées...

Il est 15h50 et, problème, le Palais n’a toujours pris aucune initiative de dissolution des Chambres ni donné d’orientation confirmant qu’on prendrait effectivement le chemin des urnes...

C’est donc un raid en solitaire qu’effectue là Yves Leterme, qui court-circuite le Palais royal dans les grandes largeurs. Fureur chez les (ex-) partenaires de gouvernement d’Yves Leterme. "On est en plein dans l’illustration de l’Etat CVP-CD&V, enrage un francophone. C’est ridicule! Le CD&V pense pouvoir décider de tout: il veut tenir des élections et donc nous devons tous suivre Leterme". Un autre: "Il court derrière le Vlaams Belang qui a fait un communiqué demandant une longue liste d’articles de la Constitution à réviser. Et il met le Palais dans la difficulté." D’autres, encore, interprètent cette soudaine accélération d’Yves Leterme de cette manière: "Il sent que le Palais peut ramener le SP.A dans le jeu mais sait pertinemment bien que les socialistes flamands préféreront Marianne Thyssen comme Premier ministre."

Dans l’entourage d’Yves Leterme, on conteste évidemment ces interprétations. "Gouverner, c’est prévoir, argumente-t-on, et nous essayons de mettre un peu d’ordre dans le chaos actuel. A savoir un brin de légalité, parer aux urgences grecque et budgétaire, et préparer l’avenir avec l’ouverture d’articles à réviser".

Du côté du Parlement, les franccophones organisent la riposte dans la perspective de la séance plénière qui doit se tenir jeudi. Là, les partis flamands ont promis de faire voter la scicion de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde. "No pasarán!", répondent MR, PS, Ecolo et CDH. Les quatre partis ont rédigé le texte de la sonnette d’alarme et entendent couper l’herbe sous le pied des partis flamands. Les francophones tireront donc la sonnette d’alarme dès ce mercredi, voire jeudi matin, afin de ne pas donner l’occasion aux partis flamands de faire de la musculation et de mettre leur proposition à l’agenda de la plénière. Concrètement, ce mercredi matin, la conférence des présidents de la Chambre est réunie par Patrick Dewael. Flamands et francophones s’y opposeront sur la mise à l’ordre du jour de BHV. Dans la foulée, les francophones, convoqués par le MR Daniel Bacquelaine, devraient tirer la sonnette d’alarme. Et renvoyer la patate chaude entre les mains du gouvernement démissionnaire.

 

Il est 17h et boulevard de la Toison d’Or, au siège du Mouvement réformateur, c’est l’affluence des grands jours pour ce Bureau extraordinaire. Pensez-donc, on refait le match. Il y a là Armand De Decker qui tient un plaidoyer vibrant contre des élections anticipées. Et reçoit le soutien du ministre fédéral Charles Michel. Daniel Bacquelaine, en revanche, nuance le propos. "On ne doit surtout pas faire croire aux gens qu’on a peur d’une élection", insiste le chef de file des libéraux francophones à la Chambre. Puis, c’est au tour du président Didier Reynders de prendre la parole. "Il reste une possibilité de ne pas aller aux élections, c’est possible, explique-t-il à ses mandataires. On doit encore jauger le SP.A". Et Didier Reynders de se lancer ensuite dans une charge contre le CD&V qu’il rend responsable de la crise politique. "Dehaene n’a pas fait correctement son travail, regrette le patron du MR, et il a pensé qu’il pourrait négocier comme il y a dix ans et mettre les francophones dans sa poche. Il s’est trompé sur toute la ligne. Le CD&V est maintenant pris à son propre jeu".

Sur cette tirade, le président du MR prend le chemin de Laeken où il est reçu par le Roi. Il suit les présidents du CD&V, du PS et du CDH. Tous ont été reçus par Albert II. Et le Souverain a prévu de nouvelles consultations ce mercredi. Cocorico: debout, Sire! Voici déjà un nouveau jour de crise.

lalibre

07:40 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : belgique |  del.icio.us |  Facebook | | |

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