vendredi, 21 août 2009
Des régularisations de sans-papiers à la carte
Souvent, on les rencontre dans les parcs, en milieu de matinée, poussant une chaise roulante, ou offrant un bras à une personne âgée. Elles viennent d’Ukraine, de Moldavie ou de Roumanie. Ce sont, comme on les appelle ici, les "badanti" (du verbe "badare", s’occuper).
Ces aide-familiales se sont multipliées ces dernières années, dans un pays vieillissant, où l’offre de la sécurité sociale pour garder les jeunes enfants ou aider les personnes âgées est quasi inexistante. En quelques années, les "badanti" sont devenues indispensables pour une famille italienne sur dix. Elles travaillent en moyenne 35 heures par semaine, et touchent dans le meilleur des cas 950 euros nets par mois.
Quelques jours après le vote de la loi, qui transforme la clandestinité en délit pénal, un vent de panique a soufflé dans des milliers de ménages italiens. Tout en étant pour la plupart d’accord avec la nouvelle politique du gouvernement en matière d’immigration, ces familles se sont retrouvées dans le rôle de l’arroseur-arrosé, ayant elles-mêmes engagé un, ou dans la majorité des cas "une", sans-papiers pour s’occuper du grand-père malade ou tout simplement du ménage de la maison.
Exemple, dans la petite ville de Cittadella, dans le nord-est de l’Italie, là où les citoyens sont majoritairement acquis à La Ligue du Nord (parti régionaliste, xénophobe) : les "badanti" s’y comptent par dizaines. Une dame distinguée n’hésite d’ailleurs pas à affirmer : "Certes, mettons les clandestins dehors, mais gardons les femmes car elles ne sont pas dangereuses et surtout elles sont devenues indispensables !"
Des propos que les associations d’aides aux immigrés qualifient d’insupportables, et pourtant c’est dans cette direction que le gouvernement de Silvio Berlusconi a trouvé la solution. Dès le 1er septembre, les familles-employeurs pourront entreprendre les démarches : payer 500 euros pour chaque régularisation demandée, pour autant que les clandestins n’aient jamais eu d’ennuis avec la justice et qu’ils travaillent à ce poste depuis au moins trois mois.
Entre 300000 et 500 000 personnes (en majorité des femmes) pourraient ainsi obtenir dans les prochains mois un permis de séjour officiel, au nez et à la barbe de plusieurs centaines de milliers de clandestins qui risquent désormais très gros en cas de contrôle : une amende de 10000 euros et le passage devant un juge suivi d’une expulsion sur le champ.
Le "paquet Sécurité" est entré en vigueur le 8 août dernier. Il fait de la clandestinité un délit pénal. Pour tout acte civil, la présentation du permis de séjour est obligatoire et les employés de l’administration publique doivent dénoncer les clandestins.
Sept clandestins ont déjà été arrêtés la semaine dernière à Florence. Leur délit : vivre en Italie sans papiers. Des immigrés utiles à l’Italie. A Castel Volturno, au nord de Naples, là où les sans-papiers se comptent par milliers, en majorité des hommes d’origine africaine, les clandestins craignent les contrôles et les dénonciations.
Frank, un Ghanéen débarqué à Lampedusa en 2006, ne comprend pas "A moi, ils m’ont refusé le permis de séjour. Je travaille dans le bâtiment et je ne peux pas être régularisé. La nouvelle loi m’obligera en cas de contrôle à disparaître Par contre toutes ces femmes de l’Est recevront un permis de séjour illimité."
L’avis de Franck est partagé par les associations d’aide aux immigrés. Ces dernières se demandent pourquoi d’autres catégories d’ouvriers n’ont pas obtenu le même traitement de faveur. D’autant qu’un rapport de la Banque d’Italie publié cette semaine prouve, chiffres à l’appui, que la présence massive d’étrangers dans le tissu économique de la péninsule permet aux Italiens de travailler davantage dans des secteurs mieux rémunérés.
La poigne de fer voulue par l’aile droite du gouvernement italien devrait s’abattre sur les clandestins cet automne, et si un amendement de faveur a sauvé les "badanti" et surtout leurs employeurs, l’application de la loi "anti-clandestins" risque de poser des tas de problèmes pour ces centaines de milliers de sans-papiers qui se sont construits une nouvelle vie depuis plusieurs années en Italie.
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