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mercredi, 19 août 2009

Denis Ducarme, un homme de HAINE

L’islam va prochainement refaire parler de lui, si le député MR, Denis Ducarme, suite au geste symbolique de Madame Ozdemir arrivant avec son foulard au parlement bruxellois, persiste à vouloir proposer une loi d’interdiction du foulard dans les administrations et dans les écoles. Les nombreuses réactions au geste de la députée CDH d’origine turque manifestent une inquiétude fort répandue face à la montée de l’islam en Europe, en particulier dans les grandes villes où leur proportion est en augmentation continue, pour des raisons à la fois de migration et de natalité.

Cette inquiétude est présente aussi bien dans les milieux chrétiens que non chrétiens. Les premiers s’inquiètent de la déchristianisation au profit de l’islam, tandis que les milieux laïcs craignent, par-dessus tout, le retour de l’obscurantisme. Les uns comme les autres ont peur qu’un jour, les musulmans ne finissent par exiger l’introduction de certaines dispositions de la loi islamique (la charia) qui compromettraient nos traditions humanistes et notre principe de séparation de la religion et de la politique.

Tout en admettant qu’il existe certains appels à la tolérance dans le Coran, beaucoup estiment que sa vision générale est contraire à notre culture basée sur les droits humains égaux pour tous et toutes. Ils craignent donc que notre éthique humaniste perde insensiblement du terrain(1). Cette inquiétude est parfaitement compréhensible. Mais ces considérations sont peut-être inspirées par une réaction trop uniquement défensive et elles devraient être nuancées.

La peur de l’islam ne résout pas les problèmes, mais les accentue. Par exemple, s’il faut en effet reconnaître que l’islam peine encore à intégrer une lecture critique de ses écrits fondateurs et à distinguer clairement religion et politique, il importe de savoir que ce travail se fait de plus en plus, tant en Occident qu’en Orient, bien que de façon encore minoritaire et souterraine : il faudrait donc donner du temps au temps et se souvenir qu’il en a été de même à l’intérieur du christianisme et en particulier de l’Église catholique, restée longtemps réticente aux idées démocratiques et aux droits de l’homme (et surtout de la femme ).

Il faut aussi tenir compte du fait que, pour une partie des nouvelles générations d’origine musulmane, il y a une forme de sécularisation et de prise de distance par rapport à la religion. Autre exemple : il est indéniable que le Coran est d’un ton radicalement différent des évangiles et qu’il contient des versets qui visaient davantage à mobiliser pour le combat contre les ennemis qu’à délivrer un message spirituel de paix et de tolérance.

Néanmoins, trop de gens tombent dans une généralisation suggérant que "l’islam", en soi, est violent et incompatible avec les droits de l’homme. Il est très dangereux de parler ainsi, avec un certain radicalisme, de " l’islam " en général, car on jette alors outrageusement la suspicion et la méfiance sur tous ceux et celles qui y adhèrent. Même si certains passages du Coran témoignent effectivement d’intolérance et de violence, la Bible aussi en contient. Dans les deux cas, d’autres passages appellent à la tolérance et à la paix. Il importe de le dire, sans quoi on ouvre la porte à tous les amalgames et on confond l’islam avec l’islamisme qui en est la dérive intégriste.

 

Le fondamentalisme existe dans toutes les religions et le dogmatisme affecte aussi les milieux laïcs. Ce n’est donc pas l’islam, mais bien l’islamisme qui peut représenter une menace, autant pour les musulmans que pour nous, cette distinction est essentielle ! Souvenez-vous du titre à sensation du Vif-L’Express : "L’islam gangrène l’école", titre qui fit scandale, avec raison. Car de tels jugements presque dogmatiques sur l’ensemble d’une religion empêchent le public de voir que l’islam, comme toute religion, est extrêmement multiple dans la manière dont chaque personne y adhère et la vit concrètement. Ils réveillent des fantasmes séculaires et de terribles clichés.

On ne devra pas s’étonner ensuite de constater tant de discriminations à l’égard des musulmans dans l’emploi, le logement, l’école, etc., ce qui donnera précisément raison et force à l’islamisme radical qu’on veut combattre. De tels messages, très répandus dans les médias, risquent de renforcer dans l’opinion publique une islamophobie déjà bien présente qui, en stigmatisant la population musulmane vivant parmi nous, empêche précisément sa bonne intégration.

Suggérer par exemple que les musulmans, dans le dialogue, risquent bien de ne pas être de bonne foi, n’est-ce pas aborder ce dialogue avec une méfiance qui en compromet d’emblée les chances de réussite ? Bien sûr, le dialogue peut toujours être instrumentalisé et il faut y aller sans naïveté, mais de quel droit pouvons-nous juger que nous sommes par nature plus honnêtes que les musulmans ? N’est-ce pas là un exemple de ces sentiments de supériorité insupportables que nous avons hérités de la période coloniale ? Autant, alors, ne pas s’engager dans le dialogue !

En fait, heureusement, il y a de plus en plus de dialogues (souvent à de hauts niveaux, notamment avec les Eglises chrétiennes). On ne peut que s’en réjouir et souhaiter que cela s’étende. L’urgence est d’adopter une attitude positive plutôt que défensive. Quoi que nous pensions du Coran ou de " l’islam ", nous avons affaire à des hommes et des femmes comme nous, et la foi chrétienne aussi bien que l’humanisme authentique devraient nous pousser à considérer toujours notre prochain, quel qu’il soit, avec le plus grand respect.

La Déclaration universelle des droits de l’homme proclame notamment le droit "de manifester sa religion ou sa conviction, seul ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites". Cela ne signifie-t-il pas que nous devrions les accepter tels qu’ils sont, différents de nous (ayant une religion, une culture différente), et non pas comme nous voudrions spontanément qu’ils soient : semblables à nous, épousant en tout notre culture.

 

Il ne s’agit pas pour autant de tout accepter, car eux aussi ont le devoir de tenir compte de nos traditions et de notre culture. Même si la grande majorité des musulmans ne sont pas venus ici pour nous combattre ni pour prendre le pouvoir ni pour imposer leurs manières de penser, de s’habiller, leurs habitudes..., nous avons le droit d’attendre d’eux un effort réciproque : non seulement le respect strict des lois, mais aussi une certaine exigence de s’intégrer le mieux possible sans insister de manière unilatérale sur leurs "droits". C’est bien là l’objet du dialogue et de la négociation, qu’il est indispensable de mener d’égal à égal. C’est seulement en les traitant comme nos partenaires dans la construction d’un avenir commun que nous pourrons venir à bout des préjugés mutuels et construire patiemment la paix.

Nous devrions aussi tenir compte des inquiétudes de la plupart des musulmans face à l’évolution de notre société qui semble marginaliser des valeurs telles que le sens d’une économie humaine au service de l’être humain, la solidarité, le respect du corps et de l’autre... Leur attachement à la religion manifeste souvent leur volonté de résister à certaines tendances de notre société: l’individualisme, le consumérisme outrancier, les droits aux plaisirs immédiats, le manque de pudeur dans les médias, les publicités, les films . En reconnaissant nos dérives, nous signifions notre volonté de construire ensemble un avenir meilleur: non pas les uns contre les autres, mais les uns avec les autres.

 

Sur un plan plus politique, la vision positive de Barack Obama dans son discours au Caire n’est-elle pas finalement la plus réaliste pour contribuer à résoudre un jour la grande discorde de quatorze siècles entre les mondes musulman et occidental ? "Les attentats des extrémistes ont amené certains dans mon pays à juger l’islam inévitablement hostile, non seulement à l’Amérique et aux pays occidentaux, mais aussi aux droits de l’homme. La peur et la méfiance se sont ainsi accentuées. Tant que notre relation restera définie par nos différends, nous donnerons du pouvoir à ceux qui sèment la haine et non la paix, et qui encouragent le conflit au lieu de la coopération (...) C’est ce cycle de la méfiance et de la discorde qui doit être brisé ". Et vers la fin de son discours il ajoutait: "Certains avancent qu’il y aura fatalement des désaccords et que les civilisations finissent toujours par s’affronter. (...) Mais si nous choisissons de nous laisser entraîner par le passé, nous n’irons jamais de l’avant (...). Il est plus facile de voir ce qui nous distingue plutôt que ce que nous avons en commun. (...) A nous de décider si nous passons notre temps à nous concentrer sur ce qui nous sépare ou si nous nous engageons à faire ce qu’il faut - de façon soutenue - pour trouver un terrain d’entente (...)".

 

Il est normal que nous soyons inquiets, comme eux-mêmes le sont face à la puissance politique, économique, militaire et culturelle de l’Occident. Mais la grande question n’est-elle pas: que faisons-nous de notre inquiétude ? Nous pousse-t-elle à la nostalgie d’un passé culturellement homogène que nous voudrions imposer aux autres, ou bien à nous mettre au travail pour construire ensemble l’avenir - qui sera inévitablement multireligieux et multiconvictionnel et nécessitera fatalement des compromis ?

Du travail, il y en a ! Et pour commencer : s’insurger activement contre les préjugés, les vexations, les exclusions autoritaires, créer la confiance plutôt que la suspicion, la coopération plutôt que la compétition, la solidarité et même l’amitié plutôt que les jugements stigmatisants. Ce qui n’empêche nullement d’affirmer nos propres convictions et ce qui est pour nous inacceptable. L’important est d’aborder le dialogue avec une attitude de respect, d’écoute en profondeur, d’empathie, de patience aussi. Ceci est indispensable si l’on veut trouver ensemble des solutions acceptées par tous.

 

(1)C’est notamment la crainte exprimée par le P. Charles Delhez dans La Libre Belgique du 24 juin 2009.

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