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jeudi, 13 août 2009

« Nous voulons travailler avec des gens pour un meilleur avenir et non avec des gens qui se réfèrent au passé », une déclaration encourageante ? C’est faux !

Cette phrase prononcée par Hillary Clinton, Secrétaire d’Etat Américain, à  Kinshasa hier lundi (10 août 2009). Comme Paul Kagame rencontrant Joseph Kabila à Goma (le 06 août 2009), Hillary Clinton a demandé aux Congolais de tourner la page de leur passé de guerre d’agression menée à partir de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi, avec le soutien de la Grande-Bretagne et des U.S.A. (sous l’administration de Bill Clinton, l’époux d’Hillary).

Le journal Le Potentiel a publié un article où cette phrase est reprise sous un titre « mal indiqué » (à mon humble avis) : « Premières déclarations encourageantes. Hillary Clinton demande aux  Congolais de tourner la page ».

Je défie le Ministre des Affaires Etrangères du Congo, Alexis Tambwe Mwamba, de se rendre à New York ou à Washington et de tenir le même discours ; de demander aux Américains de tourner la page du 11 septembre 2001.Cette page pour laquelle « la guerre contre le terrorisme » a été déclenchée… Je défie Alexis Tambwe Mwamba de se rendre à Washington ou en Israël et de tenir le même discours en demandant aux juifs de tourner la page de la Shoa. Qu’il aille à Kigali demander aux Rwandais de tourner la page du « génocide » de 1994.

Pourquoi de telles phrases prononcées au Congo peuvent-elles être classifiées parmi « les déclarations encourageantes » et applaudies ? Pourquoi applaudissons- nous si facilement ? Qu’y a-t-il d’encourageant dans cette phrase ? L’appel à gommer de nos vies la référence à un passé de guerre d’agression menée sur notre sol pour piller nos matières premières stratégiques par les champions de la défense de l’imposture démocratique et des droits de l’homme ? Ou plutôt la volonté des U.S.A. de travailler avec des populations congolaises amnésiques ?

 

Aujourd’hui, plus de 50 ans après les crimes nazis, en Allemagne, un ancien officier nazi vient d’être condamné à perpétuité. « Une cour d'assises allemande a condamné mardi à perpétuité, pour un massacre qui avait fait 14 morts en 1944 en Toscane (centre de l'Italie), Josef Scheungraber, un ancien officier nazi qui menait depuis une vie paisible en Bavière, dans le sud de l'Allemagne. Josef Scheungraber, 90 ans, était "le seul officier de la compagnie" de l'armée allemande, qui a tué 14 civils le 26 juin 1944 à Folzano di Cortona en représailles d'une attaque de partisans, a souligné le président de la cour d'assises de Munich. Selon le magistrat, il a été reconnu responsable de la mort de dix d'entre eux dans ce village situé entre les villes d'Arezzo et Pérouse ». 

Chez nous, Madame Clinton nous demande de tourner la page d’un passé de plus de 5000.000 de morts ! Elle nous dit : « Nous voulons travailler avec des gens pour un meilleur avenir et non avec des gens qui se réfèrent au passé ». Et puis, notre passé est-il passé ? Les incendies de nos villages, les massacres de nos populations se poursuivent. Les humiliations se poursuivent. Après nos filles, nos femmes, nos mères et nos grand-mères, les démobilisés de l’armée de Kagame et les autres faux FDLR nous violent, nous les hommes. Et si nous nous référons à ce passé-présent, les U.S.A. menacent de ne pas travailler avec nous ! Finalement, qui veut travailler avec qui ? Que signifie travailler avec nous ? Piller nos matières premières stratégiques en armant des bandits de grand chemin (formés aux U.S.A.), les transformer, les vendre, mettre cet argent dans les banques où les bandits armés chez nous déposent le leur. Prendre quelques miettes de cet argent, nous les prêter pour payer les militaires où les experts américains et Britanniques qui les instruisent. Puis, réclamer cet argent après avec des intérêts mirobolants, est-cela travailler avec nous ou du vol organisé ? Mettre le feu aux poudres et revenir sur le lieu du crime en versant les larmes de crocodile sans regretter le passé, est-cela travailler avec nous ?  Exiger que les violeurs des femmes armés par les U.S.A. et leurs alliés soient traduits en justice sans que les différentes  administrations américaines et les multinationales impliquées dans la guerre d’agression faite au Congo le soient aussi, est-cela travailler avec nous ? Est-il indispensable que le Congo travaille avec les U.S.A. ? Est-il exclu qu’un autre leadership congolais décide, demain, d’emboîter le pas à l’alternative bolivarienne pour les Amériques, noue des alliances stratégiques avec l’Organisation de la Coopération du Shanghai et remette en question, de manière assez profonde, un partenariat classique qui n’a causé que des misères aux Congolais depuis la nuit des temps ?

 

Sur la page Internet où le journal Le Potentiel publie « les premières déclarations encourageantes » d’Hillary Clinton, il y a un autre titre : « Réponse à Hillary Clinton. Zimbabwe : Mugabe accuse les Etats occidentaux de racisme et de division ». Cet article reproduit quelques déclarations de Mugabe  dont celle-ci :

« L’Occident cherche à nous diviser et à perturber notre paix. S’il ne veut pas traiter avec nous, est-ce que nous devrions continuer à vouloir son aide » ? Robert Mugabe ajoute : « Le Zimbabwe n’a besoin d’être dépendant d’aucun endroit sur la planète, et encore moins d’anciens colonisateurs impérialistes et racistes ».  Il a encore ajouté : « Nous ne faisons pas partie de l’Europe occidentale et des Etats-Unis » (…) en estimant que « les grandes nations » étaient bâties sur leur propre talent et non pas sur l’aide étrangère »  (qui n’est qu’un bluff).

En lisant cet autre article, je me suis dit : « Voilà  le courage qui  manque à plusieurs d’entre nous ». Celui d’appeler chat chat. Formatés dans un esprit de dépendance spirituelle, culturelle, intellectuelle et matérielle, nous sommes plusieurs à croire dans le miracle d’un Occident à la fois capitaliste et philanthrope. Bêtise ! L’accumulation des richesses au Nord marche de pair avec la dépossession des pays du Sud et le crime. Le discours sur le respect des droits de l’homme et l’arrestation des criminels des viols de femmes fait souvent partie de « la doctrine des bonnes intentions » chère aux  U.S.A. (Lire à ce sujet N. CHOMSKY, La doctrine des bonnes intentions, Paris, Fayard, 2006) Elle est plus forte que les idéologies de différentes administrations. Elle les traverse. Elle fait partie de « la voie de l’Amérique ».

Les pays qui la connaissent et l’ont approfondie ne croient plus dans « les beaux discours » des Yankee. Ils s’organisent en des grands ensembles et rompent avec tous les instruments de l’impérialisme moribond des U.S.A. Castro confiait à la presse il y a quelques jours qu’il est possible que les Etats-Unis attaquent le Vénézuela à partir de la Colombie pour « lutter contre la drogue ». C’est-à-dire pour punir le pays  du chef de file de l’alternative bolivarienne pour les Amériques d’avoir coupé le cordon ombilical en entraînant plusieurs autres pays de l’Amérique Latine sur la voie de l’autonomie spirituelle, matérielle, culturelle et intellectuelle.

 

« Nous  voulons travailler avec des gens pour un meilleur avenir et non avec des gens qui se réfèrent au passé » ! Cette phase de Madame Clinton est pleine de cynisme ! Parler aux Congolais en ces termes est une façon de leur nier toute mémoire. Or, un peuple sans mémoire est un peuple sans histoire et un peuple sans histoire est voué à sa perte. Voilà jusqu’où pourrait nous mener notre aventure avec nos bourreaux d’hier qui nous exigent de renoncer à notre passé : à notre perte, à la négation de  notre humanité.

Non. Non. Nous écrirons notre histoire en conservant toutes ses pages afin que les générations futures de notre cher et grand pays ne puissent pas répéter notre passé de guerre perpétrée par « les nations qui se disent civilisées ». Mais cette histoire qui s’écrit déjà est écrite avec des larmes de sang à Rutshuru, à Goma, à Minembwe, à Kananga, à Mbuji-Mayi, à Kisangani, à Shinkolobwe, à Likasi, à Masina, à Luozi, à Kikwit, à Maniema, à Mbandaka, etc. Elle ne sera pas celle que Washington, Paris, Londres, Bruxelles, Berlin nous ont toujours dictée ou veulent nous dicter. Les veilleurs-protecteu rs de la mémoire collective de nos populations sont prêts à donner de leur sang pour que l’écriture de cette histoire soit nôtre. Sans falsification.

Non. Personne, mais personne ne nous séparera de notre histoire et de ses exigences d’une justice juste. Si ces dernières ne sont pas satisfaites de notre vivant, les générations futures s’en occuperont. L’Allemagne vient de condamné un nazi plus de 50 ans après son forfait. Pourquoi pas le Congo ?

 

J.-P. Mbelu

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