mardi, 26 mai 2009
Kivus, Ituri : le martyre des civils continue
Des experts chargés par le Conseil de sécurité de surveiller l’embargo sur les armes à destination de groupes armés illégaux au Congo-Kinshasa ont rendu le 14 mai à ce dernier leur rapport intermédiaire. Ce texte fait notamment le point sur les opérations militaires conjointes menées par le Congo contre des rebelles étrangers avec d’une part l’armée rwandaise au Nord-Kivu, d’autre part l’armée ougandaise en Ituri. Selon le rapport, la première opération "a pu repousser les FDLR (rebelles hutus rwandais issus des génocidaires et réfugiés au Kivu) de certaines de leurs positions clefs, mais [ ] a souffert de sa brièveté, de problèmes logistiques et du détournement frauduleux de fonds opérationnels". Elle "n’a pas réussi à briser la structure de commandement et de contrôle des FDLR, qui demeure intacte". Pire: depuis le retrait de l’armée rwandaise, les FDLR ont mené des contre-attaques "entraînant une augmentation du nombre des victimes civiles". Enfin, "les retards intervenus dans le versement des soldes" de l’armée régulière y ont entraîné "des violations continues des droits de l’homme".
En revanche, l’arrestation par le Rwanda, à la faveur de cette opération conjointe, du chef rebelle tutsi congolais Laurent Nkunda "a réussi à désorganiser" son mouvement, le CNDP, et "une partie de ses réseaux d’appui". Le CNDP continue toutefois d’administrer illégalement certaines parties du Nord-Kivu. "Ses dirigeants font valoir qu’ils n’ont pas le choix, s’ils veulent prendre soin de leurs blessés de guerre et entretenir des troupes sur le terrain (en partie ralliées à l’armée régulière aujourd’hui, NdlR) tant que Kinshasa ne prendra pas ces coûts à sa charge".
Le rapport signale par ailleurs que l’intégration des ex-rebelles (CNDP et maï maï, irréguliers congolais anti-tutsis) à l’armée nationale "n’a pas toujours inclus un processus d’enregistrement transparent", ce qui empêche de comptabiliser, identifier et payer les nouvelles recrues. Les experts soulignent en outre que le nombre d’armes remises par les ex-rebelles est très faible et qu’il existerait des caches d’armes, alors qu’il y a "de nombreux cas de désertion" parmi les nouvelles recrues. Enfin, les experts affirment que l’ex-chef militaire de Nkunda, Bosco Ntaganda, bien que recherché par la Cour pénale internationale, agit "en tant que commandant en second de facto des FARDC (armée régulière) pour les opérations militaires dans les Kivus".
Les experts notent que les rebelles étrangers pourchassés par les deux opérations militaires conjointes, la LRA ougandaise en Ituri et les FDLR au Kivu, y poursuivent de plus belle leurs activités criminelles. Les FDLR (4 500 combattants) continuent à exploiter des mines, en particulier au Sud-Kivu, où les parcs nationaux de Kahuzi Biega et Maiko leur servent maintenant de "base arrière". Les experts ajoutent que dans le parc des Virunga (Nord-Kivu), les FDLR produisent "de façon intensive" du charbon de bois, principal combustible utilisé pour cuisiner au Congo, "attaquant fréquemment les gardes forestiers" chargés de préserver le parc.
Alors que les experts continuent "d’enquêter sur des cas précis de col laboration continue entre les FARDC (armée régulière) et les FLDR", ils accusent Ignace Murwanashyaka, président des FDLR réfugié en Allemagne, d’avoir, par téléphone satellitaire, "participé à la coordination des contre-attaques" menées par les FDLR et Jean-Marie Higiro, président des RUD, un sous-groupe FDLR, d’avoir fait de même depuis les Etats-Unis.
Tous les groupes armés irréguliers et l’armée congolaise comptent encore des enfants dans leurs rangs. Les experts stigmatisent en particulier le lieutenant-colonel Zimurinda, commandant de brigade de l’armée régulière mais issu du CNDP, qui "refuse de démobiliser les enfants sous son commandement" et "recrute des enfants de force". Ils soulignent les pratiques dangereuses de l’armée régulière, qui réquisitionne hors règles des avions civils pour transporter des armes - voire, au retour, de la cassitérite.
Les experts indiquent enfin que les auteurs des violations des droits de l’homme dans les trois provinces martyres sont "surtout les membres de groupes armées étrangers, soit la LRA et les FDLR", mais aussi des soldats réguliers "prenant part aux opérations [ ] lancées contre les FDLR". Les premiers commettent surtout "des exécutions arbitraires, des assassinats de représailles, des enlèvements et la destruction délibérée de biens", les seconds "des violences sexuelles, des travaux forcés, des pillages et des mauvais traitements".
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