vendredi, 20 mars 2009
CHRONIQUE DE L’IMPROVISTE : La dernière trouv’aïe !
« Quand la mer se retire, on voit ceux qui se baignent sans maillot ». C’est ce qu’on disait dans les milieux financiers américains au début de la crise des subprimes.
Le 22 mars 2009, au soir des élections municipales, beaucoup de candidats en position dite éligible se retrouveront à sec, sans rien pour couvrir leur nudité politique. A voir la façon dont la campagne s’est engagée, beaucoup de ceux qui occupent actuellement des mairies, communautés rurales, conseils régionaux, ne seront pas les moins nombreux dans ce contingent de laissés pour compte.
Et Maître, avec qui nous devions fêter hier le 9ème anniversaire de l’Alternance qui l’a porté au pouvoir le 19 mars 2000 n’a pas vraiment le temps. Il s’est lancé à fond et vingt quatre heures avant tous les autres candidats, dans une campagne électorale où son nom ne figure sur aucune liste, mais reste fort de cette conviction maintes fois montrée « que s’il ne fait pas tout lui-même, rien ne marche ». Faisant fi de la loi, sous le prétexte d’une tournée économique, pas très « économique » en ces temps difficiles pour la majeure partie des Sénégalais, Maître, dans une absence totale de limite, s’arc-boute sur sa pensée qui aborde le Sénégal comme un espace qui serait le sien propre. Une conviction très forte l’habite et lui fait croire qu’il doit indiquer le sens de la campagne. Une pensée invasive, envahissante, qu’il veut imposer aux Sénégalais, jusqu’à se heurter à une réalité dont il souffre qu’ils puissent lui résister. Lui à qui on a fait voir le Sénégal dans sa version Potemkine, ce favori de la tsarine Catherine II, qui faisait construire à la hâte, des trompe-l’œil en pâte à papier, sur le passage de l’impératrice afin de lui donner l’image d’une « Nouvelle Russie ». Face à la triste réalité, il ne manque pas de s’énerver et nombre de ses « enfants » ne savent quoi dire, ni comment agir. Et si quelques uns connaissent quelque succès, il est dû davantage au hasard qu’à leur jugement.
A force de vivre avec la République, sans se plier à ses règles, il a fini, par croire, dans une de ces dernières ( ?) transfigurations, qu’il est parvenu à la domestiquer, ainsi que les citoyens, ce qui vu leur état respectif, n’est un compliment ni pour elle, ni pour lui, ni pour eux. Il a choisi, il y a neuf ans, de délivrer la présidence de la République de sa « lourdeur », mais la « légèreté », le rythme et l’éclectisme de ses actions ont surtout fait naître des incongruités. Tout le pays s’esclaffe au café du commerce sur les derniers avatars d’un président banalisé. L’anecdote, l’accessoire éventent la gravité et l’essentiel de la vocation présidentielle. La déférence due au chef de l’Etat vacille devant le déboulé public des affaires d’argent, les tripatouillages de la Constitution, les déclarations à l’emporte-pièce.
Ce qui d’abord saute aux yeux, depuis le début de sa « tournée économique » c’est le malaise de l’opinion interloquée devant l’exercice présidentiel de Maître, devant « l’art » et la manière qu’il met à occuper, gérer, représenter la fonction. Mais cela n’a pas commencé aujourd’hui. Ça dure depuis neuf ans ! Pendant longtemps, la présidence de la République a été une institution sacralisée par l’imaginaire national. Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf y ont habité et travaillé. Chacun avec son style. Mais aucun n’a ébranlé la majesté du temple.
De cela, Maître n’en a cure. Il continue de se délivrer par des paroles puis des promesses, dont la facilité le rend prodigue. De là, tant de manquements de paroles. Rien ne lui nuit davantage aujourd’hui que cette opinion qu’il s’est faite de savoir tromper tout le monde. La recherche compulsive de l’effet d’annonce a dénaturé, sous l’artifice et la frime, la décision et sa portée. L’opinion s’est lassée de découvrir plus de vessies que de lanternes. On ne le croit plus, même quand il parle de la meilleure foi. Ne dit on pas que « qui trop embrase, mal éteint ». Son omniprésence déconcertante en tous lieux et en toutes circonstances, sa propension à l’épate, tout le bric-à-brac, baladent l’opinion dans des excès jadis d’espérance, aujourd’hui de dépit. Le fleuve de la Présidence de l’Alternance s’est trop souvent égaré. Aujourd’hui, elle quitte son lit pour des rigoles. Et l’opinion dans cette Alternance se fait dans un mélange d’anxiété, d’hébétude et de frustrations.
Il est une réalité que tous les somnifères, toutes les fausses défausses ne peuvent dissimuler. Ce pays ne va pas bien. Il est malade de son déclin, de son échec persistant à trouver du travail à sa jeunesse de la banlieue de Dakar et d’ailleurs, de la défonce de ses finances publiques et de la descente aux enfers de son économie. Il souffre des omissions de Maître, malade de son gouvernement qui feint d’ignorer la dégradation mesurable et patente de son agriculture, de la clochardisation de ses fonctionnaires, de la justice, de son système de santé et de son école. Le naufrage d’un tel rafiot, gouverné par l’illusion, produit un comble d’inégalités : une minorité se tire d’affaire, tout le reste décroche. Le mérite « républicain », première étape de l’ascenseur social est en panne comme jamais. Ils se jouent de la démocratie qui supporte de plus en plus mal les inégalités croissantes. Sans compter que depuis le début de cette campagne, la plus grande désorganisation règne au sommet de l’Etat. Le gouvernement est aux abonnés absents. Le Palais de la République, comme le Building administratif sont vides face à une multiplication de conflits et de mouvements sociaux. Nous vivons un grand mélange de genres où tout s’entrechoque comme dans une boîte de nuit où les néons (s’il n’y a pas coupure de courant) tournent à plein.
Maître était-il ignorant de la situation réelle du pays quand il se jetait à corps perdu dans cette campagne ? En tous cas, tout porte à croire qu’il est en train de faire face à ses comptes. Saura t-il passer le cap, lui qui n’a pas pu anticiper les turbulences, le creux de la vague et essuyer la tempête ? Y aura-t-il un « miracle » pour qu’il puisse profiter des bons vents ? Lui dont la confiance inébranlable en son aura et son « infaillibilité » convaincraient le plus réticent des banquiers ? Pas toujours facile d’affronter le constat. Les comptes ne font pas dans le sentimentalisme. Ils n’ont aucune complaisance. Les chiffres ne s’intéressent pas à la psychologie. Ils sont là, droits dans leur vérité crue. Comme les résultats d’un examen. Combinés avec l’exigence des citoyens d’un vote sans rature ni murmure, Maître n’a donc franchement pas le cœur à la fête. Il se voulait l’officiant d’une communion publique, le chef de chœur d’un hymne familial à la joie, l’ordonnateur appliqué d’un spectacle édifiant et émouvant pour tout le Sénégal et les Sénégalais qui cultivent trop le pessimisme et la grognerie. Des râleurs, mais au grand cœur, qui lui rendraient grâce de sa ténacité et du grand bond « économique » qu’il a fait faire au pays !
Mais l’ambiance n’est pas au gâteau, mais plutôt à la tarte. La morale de l’histoire, en ce neuvième anniversaire de la Présidence de Maître, semble sortie du Chantecler d’Edmond Rostand : « Sache donc cette triste et rassurante chose, que nul coq du matin ou rossignol du soir, n’a tout à fait le chant qu’il rêverait avoir ».
Auteur: Henriette Niang-Kandé
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