jeudi, 04 décembre 2008
POUR FAIRE DU LOBBYING : Les homosexuels africains envahissent Dakar
Dakar abrite depuis hier la Conférence internationale sur le sida et les maladies sexuellement transmissibles en Afrique (Icasa). Une occasion pour les différentes organisations, notamment des gays, de faire du lobbying dans la capitale sénégalaise.
10h au Méridien President. On se croirait dans une cérémonie religieuse. Tous les espaces libres que comptent cette structure sont occupés. Ils sont partagés entre des pavillons qui abritent des salles d'expositions, de projections, de conférence, d'inscriptions, de restaurants etc. On a l’impression que tout Dakar s’est donné rendez-vous dans cette zone résidentielle. Noirs, Blancs, Jaunes, Rouges, Métis. Tout le monde a répondu à l’appel d’Icasa. Certains, après des heures d'attente sans obtenir leurs badges, ont préféré investir la pelouse du Méridien. Assis à même le sol, la fatigue se lisait dans leurs yeux. En résumé, c'est la grande mobilisation de la grande riposte. L’objectif est de voir ensemble comment lutter contre le sida. Mais, elle doit se faire en synergie.
C’est ce qui justifie une forte presence des organisations des homosexuels, des personnes vivant avec le Vih/Sida, des structures des Nations Unies (Onusida, Unesco, Unicef, Oms...), de l'Agence japonaise pour la coopération internationale (Jica), de l'organisation privé suisse Vestergaard etc. Devant les stands des différentes organisations, les slogans se rivalisent. Entre autres, on peut lire : "Les communautés africaines au premier plan", "Courage et Espoir", "Agir ensemble", etc. C'est une vraie démonstration de force. Les homosexuels africains ont saisi l'occasion pour faire un lobbying. Si s’afficher au Sénégal comme un gay est un danger, ce n’est pas le cas depuis hier au Méridien car ils ont leurs stands. Ils font un vrai travail de lobbying. Ceux qui auront l’occasion de visiter le pavillon qui abrite les exposants seront temoins.
Vestergaard et sa stratégie de dépistage
A l’entrée, vous êtes accueillis par l’Agence japonaise pour la cooperation internationale (Jica). Après la Jica, bifurquez à gauche, vous avez Vestergaard. C’est une structure privée Suisse qui travaille dans la fabrication des moustiquaires. Elle accompagne aussi les Etats dans leurs politiques de lutte contre le sida. C’était le cas au Kenya. Dans ce pays, la structure avait lancé une campagne de dépistage volontaire des populations en septembre 2008. D’après Sanne Fournier-Wendes, specialiste de l’aide publique, "à travers cette campagne, le résultat recherché est de faire venir 80% de la cible qui est entre 15 et 49 ans de se faire dépister. Nous avons même dépassé nos attentes car nous avons atteint 80,2%". Plus de cinquante mille personnes ont été dépistées en un seul jour.
Pour motiver les populations, Vestergaard leur donne des sacs contenant un moustiquaire, un filtre d’eau et des préservatifs. C’était un grand succès. Après trois stands, vous avez celui d'Africagay. C'est l'association des homosexuels d'Afrique. Sur place, il n’y a personne. Mais, des pin's, des cartes de visite et de la documentation sont disponibles. "Ils sont parties à une réunion dans un hôtel de la place pour préparer leur stratégie de lobbying", nous informe la responsable de presse de AIDES, Marjolaine Benard. AIDES a une forte présence de ses partenaires à cette rencontre de Dakar. Il y a plus de cinquante representants d’associations du Réseau Afrique 2000, d’Afrique centrale, d’Amedis etc. Dans cette mouvance, elle organise un symposium Africagay demain."Prévention du Vih/Sida chez les homosexuels et autres Msm en Afrique francophone : expérience Africagay", tel est le thème dudit symposium. Après la parenthèse de AIDES et Africagay, cap chez Iglhrc.
La parole aux personnes vivant avec le Sida
Cette structure regroupe dans son stand des homosexuels venus de tous les coins de l’Afrique. Charles Gueboguo est un sociologue camerounais qui a publié un livre sur la vie des homosexuels dans son pays. Il échange ce livre contre 12.000fcfa. Son travail de recherche a duré quatre ans (1998-2002). La cible est comprise entre 14 et 25 ans. Interpellé sur sa motivation, il déclare : "Je ne parle pas de ma vie. C'est de la sociologie. L'homosexualité, il faut en parler". A la question de savoir s'il est gay, il réplique : "Je ne parle de ma vie privé". N'empêche, il y aura une réponse, mais qui ne viendra pas lui, mais d'un homosexuel. "Je peux répondre à sa place. C'est parce qu'il a des amis homosexuels", révéle ce grand et robuste ivoirien qui a refusé de décliner son identité. Pour Charles Gueboguo, "ce livre permet de lever certains préjugés qui veulent que l'homosexualié en Afrique soit uniquement pratiquée par des adeptes des cercles ésotériques ou des blancs".
En ce qui concerne la presse sénégalaise, le sociologue la voit comme étant "une presse homophobe". C'est-à-dire contre l'homosexualité. Ailleurs, mais toujours au Méridien Président, une projection de la Banque mondiale sur les enseignants kenyans vivant avec le Vih/Sida regroupe une immense foule. La salle des délégations était pleine comme un œuf. "Courage et Espoir", ainsi s'intitule ce long métrage. Produit par Alice Woolnough, Lesley Drake et Donald Bundy, il relate l'histoire remarquable de quatre enseignants qui vivent avec le Vih/Sida. Le film propose une plongée dans la vie de ces enseignants qui font preuve d'un immense courage. Ils racontent comment, ils ont découvert leur séropositivité et les conséquences sur leur vie famiale.
Ils ont comme noms, Beldina Atieno, Martin Mkong Ptoch, Jeminah Nindo et Margaret Wambete. Face à la maladie et à la stigmatisation, ils ont résisté et ont tenu à ne pas rater la rencontre de Dakar. Après la projection, ils se sont levés pour saluer le public. S'en sont suivies des acclamations. En attendant que les rideaux ne tombent sur Icasa 2008, le lobbying continue au Méridien Pérsident.
Auteur: Cheikh Talibouya AÏDARA
09:12 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : homosexuel | del.icio.us | Facebook | | |
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