mercredi, 07 novembre 2007
Le ton monte entre la France et le Tchad sur l'Arche de Zoé
PARIS (Reuters) - Le ton est monté mardi entre la France et le Tchad à la suite de déclarations de Nicolas Sarkozy sur le sort des membres de l'Arche de Zoé poursuivis au Tchad pour enlèvement d'enfants et escroqueries.
Lors d'une étape en Bretagne, en route pour Washington, le président français a déclaré qu'il irait chercher ces six hommes et femmes, comme il l'a fait dimanche pour trois journalistes français et quatre hôtesses de l'air espagnoles.
"J'irai chercher ceux qui restent, quoi qu'ils aient fait", a-t-il dit. "Le rôle du président est de prendre en charge tous les Français."
Une déclaration aussitôt jugée "inopportune" par le ministre tchadien de la Justice, Albert Pahimi Padacket.
"Cette déclaration n'aura aucune conséquence sur la suite du dossier devant le juge", a-t-il déclaré.
Plus tard, le président tchadien Idriss Déby a déclaré à des journalistes qu'il ne jugeait pas nécessaire l'expatriation des membres de l'ONG. "La justice se fera ici au Tchad", a-t-il dit. "Il n'est pas question pour le moment que les juridictions tchadiennes se dessaisissent du dossier. Au contraire, les juridictions tchadiennes vont aller jusqu'au fond.
Il a souligné que l'opinion publique tchadienne était "très sensible à cette question" et qu'il fallait "respecter la souveraineté" et la justice du Tchad.
"Les faits ont été commis au Tchad. C'est pourquoi ces bandits doivent être jugés et condamnés ici. Ils doivent aussi purger leur peine dans le pays", a pour sa part fait valoir le ministre de l'Intérieur et de la Sécurité publique tchadien Ahmat Mahamat Bachir, dans un entretien publié par Le Parisien.
MISE AU POINT DE L'ELYSEE
A la suite de ces déclarations, le porte-parole de l'Elysée, David Martinon, a fait une mise au point à Washington, où il accompagne Nicolas Sarkozy.
"Le président a redit ce qu'il a dit à N'Djamena, à savoir que sa préférence allait à ce que les détenus, notamment français, soit jugés plutôt en France", a déclaré David Martinon. "Pour autant, ce qu'il a dit à N'Djamena, et c'est ce qu'il a sous-entendu aujourd'hui, c'est que, bien évidemment, tout cela dépend d'une décision des autorités judiciaires tchadiennes. Ça ne peut pas se comprendre autrement."
Prié de dire si Nicolas Sarkozy irait chercher les membres de l'ONG au Tchad si les autorités tchadiennes donnaient leur feu vert, il a répondu : "Pas nécessairement. Mais ce que nous souhaitons c'est que le dialogue qui s'est engagé entre la justice tchadienne et la justice française se prolonge dans les meilleures conditions, en application des accords bilatéraux passés, pour que la lumière puisse être faite sur cette affaire entre deux justices indépendantes."
Au total, dix Européens - les six membres français de l'Arche de Zoé, trois membres d'équipage espagnols et le pilote belge qui devait ramener en France 103 enfants africains - sont inculpés et écroués au Tchad.
Nicolas Sarkozy et la secrétaire d'Etat aux Droits de l'homme, Rama Yade, avaient déjà exprimé leur préférence pour un procès en France, ce qui est techniquement possible aux termes d'une convention bilatérale.
"Nous avons une justice compétente et un procès en France constituerait une insulte pour le peuple tchadien", réplique Ahmat Mahamat Bachir. "Quand nos délinquants se font arrêter chez vous, ils ne sont pas amenés ici. Soyons sérieux, ces inculpés doivent être jugés au Tchad."
NOUVEAUX ELEMENTS A CHARGE
La justice française, qui a ouvert fin octobre une information judiciaire pour "exercice illégal de la profession d'intermédiaire en vue de l'adoption", possède aussi des éléments à charge contre les membres de l'Arche de Zoé.
Alors qu'il est déjà établi que l'association a caché au Tchad son projet d'emmener les enfants en France, il apparaît que son président, Eric Breteau, a menti à la police française, a-t-on appris de source judiciaire à Paris.
Interrogé le 10 août par la Brigade de protection des mineurs de Paris sur son projet de ramener des orphelins du Darfour en France, il a assuré bénéficier du soutien de l'Unicef, ce qui était faux. Il a aussi invoqué l'appui d'une ONG américaine dont il a donné le nom, "Children Rescue".
Ce nom était en fait celui adopté au Tchad par les membres de l'Arche de Zoé. Par ailleurs, Eric Breteau s'est vu lors de cette audition de police adresser une mise en garde officielle contre l'exécution de son projet, mise en garde mentionnée sur le procès-verbal qu'il a signé.
L'information judiciaire a été confiée à deux juges d'instruction de Paris, qui vont centraliser les plaintes déposées partout en France par les familles qui avaient financé l'Arche de Zoé en vue de l'accueil d'un enfant.
Eric Breteau clame son innocence dans un entretien au journal Sud-Ouest publié mardi. "La seule chose que j'aie faite, c'est que j'ai voulu sauver des enfants qui sont dans la détresse. Aujourd'hui, on parle de moi comme d'un criminel, alors que je suis le seul à avoir essayé de faire quelque chose pour le Darfour", dit-il au journaliste qui l'a rencontré lundi après-midi dans sa cellule.
L'enquête menée par les organisations internationales montre que les enfants que l'association a tenté de ramener en France n'étaient pas soudanais mais tchadiens et que la grande majorité d'entre eux n'étaient pas orphelins.
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