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mercredi, 29 août 2007

Si la Belgique était le Congo…

Par JP MBELU

Plus de septante jours après les élections de juin, la Belgique n’a toujours pas un gouvernement fédéral. Les débats et les négociations entre acteurs politiques du Sud et du Nord de ce pays ont accouché d’une souris. Un politologue de l’Université libre de Bruxelles explique cet échec : « Mais oui, on a trop peu voire pas du tout préparé les négociations : il n’y a pas eu ou alors très peu de rencontres au préalable et l’on n’a pas non plus créé un espace de discussion où les uns et les autres auraient déjà pu présenter leurs grandes positions. Cela aurait permis de synthétiser les points de vue et faciliter des rapprochements. Mieux ou, sans doute pire, la campagne électorale a semblé se poursuivre après les élections. On a assisté à diverses radicalisations qui ont évidemment fait se cabrer les communautés respectives. » (Delwit : ‘Un échec qui n’étonne pas’. Entretien Christian Laporte, dans La libre Belgique du 24 août 2007). Pour ce politologue, « les négociations pour la formation du gouvernement n’ont jamais commencé. En cause, notamment, leur grande impréparation. »

Face à cet échec, le formateur, Yves Leterme a rendu son tablier en avouant : « J’ai constaté ce jeudi midi qu’il était momentanément impossible d’arriver à mettre au point un programme de gouvernement ambitieux pour lequel l’électeur a donné un signal clair le 10 juin dernier. » (F. VAN de WOESTYNE, Val Duchesse. Les 24 heures d’intrigues, dans La Libre Belgique du 24 août 2007). Et Joëlle Milquet, nommée ‘Madame non’ est désignée par une certaine presse, au Nord comme au Sud du pays, comme étant la responsable de cet échec. Répondant à cette accusation, elle dit : « C’est très caricatural. Il ne devait pas y avoir d’échec, ni hier, ni jeudi dernier. Il y avait des pistes de solutions en termes institutionnels. Mais il fallait les voir, les exploiter, les proposer et ne pas se fixer sur l’obsession des deux tiers. On pouvait vraiment travailler à partir de propositions de compromis. Est-on responsable d’un échec lorsqu’on considère que la frontière est franchie, lorsqu’on respecte les engagements que tous les partis francophones ont pris publiquement ? Dans un gouvernement à majorité simple, on peut difficilement faire une grande réforme de l’Etat parce qu’on n’a pas la majorité de deux tiers. Cela ne s’est jamais fait. Au mieux, on organise une procédure pour après. C’est très facile de critiquer le CDH. Mais que refusons-nous en fait ? Les ultimatums que la N-VA a posés.» (F. VAN de WOESTYNE, Val Duchesse. Joëlle Milquet : ‘Il y avait des solutions’, dans La Libre Belgique du 24 août 2007)

Cet échec dit la gravité de la crise qui secoue la Belgique ces jours-ci. Le Roi en est conscient et a décidé d’y trouver une solution en consultant encore une fois la classe politique et les ministres d’Etat. Forts de l’expérience du passé, du diagnostic interne effectué, les négociateurs belges sont convaincus qu’ils finiront par trouver une issue à cette crise.

QUELQUES CONSTATS

Au Nord comme au Sud du pays, les partis politiques invités aux négociations en vue de former un gouvernement fédéral affirment qu’ils ne voudraient pas trahir les engagements pris avec les électeurs avant le 10 juin. Ils manifestent un grand attachement à leurs communautés respectives. ‘Madame non’ est très cohérente et très responsable dans ses prises de position.

Face à certains ‘ultimatums’, les représentants politiques de deux communautés belges se retrouvent en aparté pour affiner des positions communes. Plusieurs d’entre eux ne veulent pas voir la Belgique volée en éclats.

Pendant le temps que durent toutes ces négociations, le principe de la continuité de l’Etat est respecté. L’administration tourne comme si de rien n’était. Le dialogue et les négociations sont permanents. Aucun pays de l’Union Européenne ne vient s’immiscer dans ces tiers-lieux belgo-belges. Les partenaires extérieurs ne sont pas appelés au secours de la maison belge qui risque de brûler. La Belgique n’est sous le diktat d’aucune force extérieure. Certains de ses fils trop impliqués dans les crises extérieures à leur pays se taisent dans toutes les langues !

Si la Belgique était le Congo, « les chirurgiens » de tout bord auraient déjà pris l’avion pour se précipiter à son chevet….

APPRENDRE ET DESAPPRENDRE DE LA BELGIQUE

Un pays de 10.000.000 habitants dominé par deux communautés (flamande et wallonne), 80 fois plus petit que le Congo et ses centaines de communautés, prend son temps pour avoir un gouvernement répondant aux attentes de ses fils et filles. C’est ce même pays qui, hier, à travers certains de ses fils, a cherché à imposer à son ex-colonie une vitesse de croisière pour régler les questions liées à sa crise anthropologique millénaire ! Quand nous pensons à tous ces va-et-vient des politiques belges au Congo avant et après la mascarade électorale de 2006, quand nous pensons à la façon dont certains d’entre eux nous ont interdit de traiter en profondeur la question de la congolité, quand nous pensons au jeu d’exclusion de certains fils et de certaines filles du Congo (sur le conseil de certains politiques belges) des négociations pouvant mener à une sortie noble de notre crise, il y a lieu de comprendre l’asymétrie du partenariat entre nos deux pays.

Serait-il possible que notre ambassadeur en Belgique et notre Ministre des affaires étrangères convoquent les politiques belges et le Roi autour d’une table pour leur faire des propositions congolaises sur la gestion de la crise belge actuelle ? une question folle, pourrait-on nous rétorquer ! Le Congo apprend encore la démocratie. Il n’a que de leçons à recevoir et non pas à donner…

Oui. Il pourrait apprendre de la gestion de la crise belge que les pays souverains règlent les questions qu’ils rencontrent par le dialogue et la négociation en impliquant tous leurs fils et toutes leurs filles. Ne fût-ce qu’au niveau de leurs représentations. Le Congo pourrait apprendre à désapprendre l’asymétrie du partenariat et opter, dans la gestion de certaines questions géostratégiques, pour la politique « du donner et du recevoir ».

En effet, au vu de la gestion démocratique de la crise belge, il ne serait pas trop osé de se poser la question de savoir pourquoi nous devons demeurer éternellement dans la position de ceux qui doivent recevoir des autres. Oui. Il ne serait pas trop oser de se demander comment faire en vue de briser les verrous de ce partenariat asymétrique pour une souveraineté assumée de manière adulte.

Comment ? Avec des hommes et femmes politiques formés, informés, adultes et responsables, rompus dans l’art de dialoguer et de négocier, sans haine. Et le Congo n’en manque pas…

Joëlle Milquet, Didier Reynders, Yves Leterme, Isabelle Durand et les autres débattent, souvent, dans le respect mutuel, mus par un désaccord fondateur des consensus provisoires salutaires pour la Belgique. Au quotidien, ils sont présents à travers les médias pour expliquer leurs prises de position afin que leurs concitoyens suivent de plus près l’évolution de la situation politique du pays. (Ce matin (28 août 2007) par exemple, Joëlle Milquet a été l’invitée de l’émission Questions publiques sur la RTBF. Elle a fait montre de beaucoup de cohérence et de maîtrise dans la réponse aux questions des auditeurs.)

Ce faisant, ils contribuent tant soit peu à la fabrication de leur opinion publique.

Il y a un échange permanent, non seulement entre les politiques, mais aussi entre les politiques et leurs populations. Ne fût-ce qu’à travers des éminssions telles que Questions publiques, Mise au point (de la RTBF ) et Controverse (RTL-TVI). Les auditeurs et les autres intervenants à ces émissions ne sont pas pourchassés après par une police politique chargée de suivre en catimini la police des échanges (comme au Congo !).

Disons que les institutions démocratiques belges sont les garantes de ce jeu démocratique indispensable à l’avancement du pays. Mais ces institutions démocratiques se renouvelant régulièrement de l’intérieur par le dialogue et la négociation malgré les casses du « turbo-capitalisme ».

Le jour que le Congo se laissera contaminer par « ce virus » du dialogue et de la négociation et de la formation de l’opinion publique en faisant participer les populations aux échanges citoyens, sa face brillera.

Mais « ses partenaires belges » sont-ils disposés à le contaminer ? Ces jours-ci, les fils et les filles du Congo sont-ils attentifs à la façon dont la crise belge est en train d’être gérée afin qu’ils arrêtent de se laisser abuser par « les experts belges » et par d’autres partenaires extérieurs dans la fabrication de la res publica congolaise? Même s’il est plus difficile d’apprendre que de désapprendre ?

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Thibaud Kurtz

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